La basilique de Saint Denis et le projet de restitution de la flèche

Extérieur de la façade ouest de Basilique royale de Saint-Denis. © Roi Boschi, Wikipédia.
Extérieur de la façade ouest de Basilique royale de Saint-Denis. © Roi Boschi, Wikipédia.

Le présent avis n’a rien d’officiel. Il est basé sur des réflexions personnelles émises lors du dépôt de l’autorisation de travaux à la DRAC Île-de-France et n’engage que moi. Il prend pour bases les conditions imposées par le président de la République en 2015.

Cette opération bénéficie-t-elle au monument ?

Nous en doutons fortement. Tout d’abord, afin de pouvoir construire cette tour, il convient de consolider tout le massif occidental qui n’en a pas besoin et les nombreux tirants ainsi que les cinquante-six tonnes de coulis annoncés risquent d’être traumatisants. Alors que le monument nécessite de nombreux travaux, il n’est pas certain que l’intérêt renouvelé, et espéré, sur la basilique conduise à d’autres mécénats pour les besoins plus urgents de l’édifice. L’autofinancement envisagé, s’il venait à se tarir, contraindrait par ailleurs l’État à terminer l’inachevé et donc à investir des crédits non prévus. La cathédrale sera par ailleurs parasitée, pendant longtemps, par des échafaudages et implantations diverses qui seront génératrices de poussières et de nuisances sonores1 . Au bout du compte, nous disposerons d’une tour nord surmontée de sa flèche, inaccessible comme c’est le cas aujourd’hui pour la tour sud, et qu’il faudra que l’État entretienne. Enfin, est-il raisonnable d’attirer l’attention sur la basilique, en ces temps perturbés ? La situation internationale et les fanatismes doivent être pris en compte et il sera indispensable que le chantier soit protégé pendant toute la durée de l’opération, nuit et jour, ce qui aura un coût certain.

Son modèle économique est-il viable ?

Il est bien difficile de se prononcer en ce domaine, les propositions du projet étant un catalogue d’idées généreuses et ambitieuses dont nous ignorons la faisabilité économique. Juste quelques interrogations : ce modèle se développera-t-il tout au long de l’année, même l’hiver, alors que Guédelon est fermé cinq mois par an ? Qu’en sera-t-il des assurances ? Qui sera le maître d’ouvrage ?

Sa rigueur scientifique est-elle indiscutable ?

Une reconstruction soulève de vrais problèmes déontologiques que l’on ne peut se contenter de balayer d’un revers de main. Ce n’est pas une flèche médiévale qui serait reconstruite mais celle de François Debret, ce qui n’est pas à mettre au discrédit de l’opération puisqu’il s’agit bien ici du dernier état connu. Mais alors, que l’on ne parle plus de la reconstruction d’une flèche médiévale comme la presse s’en est fait l’écho ! Lorsqu’un élu de la Seine-Saint-Denis précise qu’il n’est pas question de faire du neuf, que « tout le matériel est stocké au chevet de l’église, [qu’] il s’agit de remonter les pierres taillées qui reposent depuis cent cinquante ans aux pieds de la basilique »2 , cela est totalement faux. Cette justification a été, à de nombreuses reprises, avancée dans de nombreux journaux, donnant ainsi la fausse impression qu’il ne s’agissait que d’un Lego à remonter, ce qui est loin d’une rigueur scientifique indiscutable. Enfin, concernant les pierres mises en œuvre, elles ne pourront être celles d’origine et seront remplacées par des pierres dont on ignore s’il y en aura assez pour le projet, sans priver les autres chantiers franciliens : s’assurer de la possibilité de fourniture par les carrières sur une aussi longue durée et un aussi gros volume de tant de blocs est indispensable3 . Anticiper ce manque éventuel relève également de la rigueur du projet, au demeurant très bien « ficelé », mais aussi de sa viabilité économique, voire de l’influence qu’il va avoir sur un grand nombre d’autres chantiers.

  1. Ces inconvénients n’existent pas pour Guédelon, isolé en rase campagne, et encore moins pour l’Hermione.
  2. http://www.lemonde.fr/arts/article/2016/07/02/la-basilique-de-saint-denis-devrait-retrouver-sa­fleche_4962385_1655012.html
  3. Ce qui est d’autant plus crucial avec les besoins qui risquent d’être ceux de la cathédrale Notre-Dame de Paris.
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