Aller à la basilique Sant-Ubaldo en téléphérique puis à la Rocca Albornoz en trottoir roulant souterrain…

Spoletto, un tunnel du métro piétonnier. © Ph. Cieren.
Spoletto, un tunnel du métro piétonnier. © Ph. Cieren.

D’une façon générale, ce qui frappe quand on visite un centre historique en Italie, plus particulièrement dans les villes moyennes et les petites villes, c’est la très grande limitation qui est faite à la circulation automobile. Gubbio et Spoletto, toutes deux escarpées, ne font pas exception à la règle. Ces deux villes ont dû faire preuve d’ingéniosité pour permettre à leurs habitants de se déplacer.

La circulation des véhicules est effectivement presque partout réduite à celle des riverains par des systèmes de bornes rétractables ou plus simplement par des panneaux limitant les accès aux riverains et par un réseau de caméra traquant les plaques indésirables pour ensuite verbaliser les propriétaires (Bologne, Padoue, Syracuse…). Parfois, afin de mieux dégager les rues, cette possibilité d’accès est même limitée au chargement déchargement sans qu’il soit possible de stationner. C’est incontestablement une manière de faire qui a de l’intérêt pour le promeneur, les habitants devenus piétons et pour la qualité du paysage urbain mais, qui n’est probablement pas sans poser de problème pour la mobilité de certains, même si les Italiens ne semblent pas défavorables à cette politique. Ainsi, des villes comme Lucca, Ferrare ou encore Vicenze ont, en contrepartie, fait une bonne place à la bicyclette parce que la topographie le permettait facilement ; il n’en est pas de même pour d’autres villes disposées sur des reliefs escarpés, ce qui ne manque pas en Italie.

Gubbio, ville escarpée d’Ombrie.© Ph. Cieren.

Dans cette catégorie, Gubbio et Spoletto toutes deux en Ombrie, sont des cités médiévales très pentues, ayant fortement limité la circulation dans leur centre mais qui ont par ailleurs un véritable problème d’accessibilité en raison des déclivités importantes et de l’étroitesse des rues.

Le téléphérique , plutôt original, de Gubbio. Source: Depositphotos 82724960.

La première a développé un système d’ascenseurs et de téléphérique, publics et gratuits, répartis le long de la pente, comme d’ailleurs d’autres villes dans la même situation. Mais, à Gubbio, le téléphérique a adopté une formule rustique de paniers individuels qui lui donne un air de télé-siège et les ascenseurs, entièrement creusés dans la montagne sont accessibles par de longs couloirs qui débouchent en pied d’immeubles. Cette disposition, qui les rend invisibles, permet de grands dénivelés et l’intégration est parfaite au point qu’ils ne sont pas toujours faciles à repérer.

Ville de Chinon (37), ascenseur urbain reliant le centre à la forteresse royale (vue d’en haut). © Ph. Cieren.

Cette solution des ascenseurs, funiculaires ou téléphériques urbains n’est pas exceptionnelle aujourd’hui. De nombreuses villes en France et en Europe en ont au moins un et tout le monde connaît ce type d’aménagements qui apparaît parfois de façon plus développée dans des grandes villes comme à Lisbonne (ascenseurs et funiculaires), à Barcelone (téléphérique) ou encore à Monte-Carlo (une trentaine d’ascenseurs). Cependant, Gubbio, qui compte à peine trente mille habitants, ne joue pas dans la même cour en termes de capacités d’investissement pour un résultat qui apporte au quotidien un vrai service à l’habitant avant de servir le tourisme.

Spoletto, vue d’ensemble depuis la Rocca d’Albornoz. © Ph. Cieren.

Le cas de Spoletto, inscrite en 2011 au patrimoine mondial de l’Unesco, ville verticale comme Gubbio et dans la jauge de 30/40 000 habitants, est plus singulier et réellement surprenant. Pas loin de trente ans de travaux ont permis d’aboutir à un réseau souterrain de trottoirs roulants de plusieurs kilomètres répartis en trois « lignes » distinctes et comportant une vingtaine de point d’accès, distants d’environ 300 mètres. Les trois lignes ont été réalisés successivement. La première a ainsi permis d’affiner les choix techniques et de gérer les adaptations du projet au terrain, notamment par rapport aux sujétions archéologiques. Au final, chaque « ligne » a son point de départ en périphérie à partir d’un grand parking dont deux souterrains. De cette façon, on est face à un véritable système cohérent de transport en commun qui permet d’éliminer, sauf de rares exceptions, la voiture du centre historique. Pour ne pas augmenter le coût et la difficulté il n’y a pas de « correspondances » souterraines mais la proximité des points de sortie permet aisément de passer de l’une à l’autre.

Spoletto, un tunnel du métro piétonnier. © Ph. Cieren.

La performance est d’autant plus remarquable que ce réseau traverse tout le sous-sol archéologique, qu’il a été creusé en zone sismique, que les points d’accès sont parfaitement intégrés dans les constructions existantes et que leur répartition judicieuse permet de rallier tous les points de la ville sans avoir de dénivelé important à franchir.
Si ce projet suscite une impression de démesure quand on le découvre, à l’usage, elle s’efface au profit du sentiment de son évidence et, somme toute, de sa simplicité. Quand on le pratique et qu’on y observe le trafic qui est composé pour une part importante de parents accompagnés de poussettes et de personnes âgées la pertinence de ce système apparaît encore de façon plus évidente et constitue une réponse originale parfaitement adaptée à la question de l’habitabilité des centres anciens escarpés et du maintien des populations par une offre de service améliorant la qualité d’usage de la ville sans en modifier l’aspect.

Spoletto, La cathédrale Sainte-Marie-de-l’Assomption. © Ph. Cieren.
Dans le même dossier