Regard croisé sur un atelier franco-syrien

La première promotion d’étudiants du cours de restauration du patrimoine de Syrie a été diplômée en 2005 ; une nouvelle promotion d’une quinzaine d’étudiants vient de débuter. Cette formation est le fruit d’une collaboration tripartite entre la faculté d’architecture de Damas, l’ambassade de France en Syrie et l’École de Chaillot.

Le programme pédagogique s’inspire des enseignements de Chaillot, avec des adaptations aux spécificités syriennes. L’objectif est de transmettre les méthodes d’analyse et de conservation du patrimoine aux architectes, retenus par un jury franco-syrien. Les cours d’histoire et de techniques anciennes du Proche-Orient sont dispensés par des enseignants syriens ; ceux de restauration sont pris en charge par des enseignants français. L’atelier permet aux étudiants de mettre en pratique la méthode d’analyse, de conservation et de restauration d’un édifice et de son environnement urbain. Il est l’occasion d’un échange entre étudiants français et syriens. Dix étudiants français ont participé avec les dix-huit étudiants syriens à l’atelier à Damas en Septembre 2004, puis à sa conclusion à Paris en avril 2005.

Une partie du quartier Qanawât, à l’ouest de la vieille ville de Damas, et plus particulièrement la maison Al Moussilli en ont été l’objet. Le quartier s’est développé au XIIIe siècle autour de l’aqueduc romain alimentant la vieille ville. Les Mamelouks, puis les Turcs, y établirent leur villégiature. Dans les années 1930, pendant le mandat français, un plan d’urbanisme vise la modernisation des faubourgs. Une partie des quartiers anciens est sacrifiée. Plusieurs grandes maisons des XVIIIe et XIXe siècles constituent toujours une grande partie du quartier Qanawât ; la maison AÏ Moussilli répond à une typologie spécifique de la maison damascène : une organisation autour de cours avec bassin au centre. La première phase d’analyse a confirmé cette typologie avec le recueil des documents anciens nécessaires à la connaissance de l’évolution de la maison.

Enseignants du cours de Damas
Bernard Fonquernie, ACMH
Pierre Bortolussi, ACMH
Bernard Wagon, architecte du patrimoine, urbaniste
Éric Pallot, ACMH
Philippe Bromblet, ingénieur CICRP
Bruno Chauffert-Yvart, IGAPA
Isabelle Pallot-Frossard, LRMH

La maison Al Moussilli

Le relevé général de l’édifice et son bilan sanitaire ont été menés en commun. Les dessins ont été réalisés parallèlement en France et en Syrie avec des échanges Internet. Cette première étape a révélé que la maison Al Moussilli était aux XVIIIe et XIXe siècles une partie d’un vaste palais englobant l’îlot actuel, disposant de cours destinées aux femmes, à la famille (haremlik), aux invités (selamlik), et une petite réservée aux usages domestiques. Au fil des successions, le palais a été morcelé en parcelles individuelles. Le bilan sanitaire a été dressé sur la totalité du bâti. Il fait apparaître d’importantes dégradations dues à la surcharge des surélévations, à l’altération des pans de bois et aux défauts d’étanchéité généralisés.

La proposition de restauration et de réhabilitation a été élaborée sur la base du programme de la faculté d’architecture. La fonction principale de l’édifice prévoit l’hébergement des enseignants du futur centre de formation des architectes du patrimoine, situé juste à côté. Cette dernière étape du projet a été menée à Paris, à l’École de Chaillot en avril 2005, avec l’ensemble des étudiants syriens et français.

Cette première expérience de collaboration franco-syrienne se conclut de façon encourageante, avec une émulation commune des étudiants des deux nationalités, et une richesse d’échange de connaissances. Elle démontre qu’au-delà des particularités spécifiques à l’architecture du Proche-Orient, la méthode d’investigation du cours est transposable à différents types d’architecture.

Pierre BORTOLUSSI
ACMH, professeur associé à l’École de Chaillot

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