De Montreuil à la Côte d’Opale

La Canche et tout particulièrement son estuaire ont joué durant des siècles le rôle d’une frontière entre Boulonnais, Artois et Ponthieu.

Jusqu’à la Révolution française et la création des départements en 1791, le Ponthieu commence à Montreuil-sur-Mer, Étaples est en pays boulonnais, Le Touquet n’est alors qu’un ensemble dunaire à l’extrémité de la baie de Canche sur la rive gauche. Pourtant, la géographie, l’évolution de leurs histoires respectives et l’actualité militent en faveur d’un enrichissement mutuel, d’une association entre ces sites.

La Canche, voie d’hier…

La ville de Montreuil, en fond d’estuaire, est installée sur un promontoire en rebord de plateau, avec une ville basse en confluence de la Course. Le port d’Étaples s’appuie sur les rebords du plateau boulonnais, au pied de la falaise, à l’embouchure de l’estuaire sur la rive droite. De l’autre côté, sur la rive gauche, Le Touquet (le tournant) correspond à un ensemble dunaire à l’extrémité de l’estuaire de la Canche : c’est un finistère de garennes du petit port médiéval de Trépied, propriété de l’abbaye de Saint-Josse jusqu’à la Révolution. Intégrée dans le territoire municipal de Cucq, cette jeune station balnéaire est élevée au rang de commune en 1912. Édouard Lévêque invente pour ce territoire le label “Côte d’Opale”, considérant que « comme l’opale, notre côte présente cette gamme de tons toujours variés qui font le bonheur des peintres ».

Depuis le néolithique, le pôle dominant d’activité de ce val de Canche s’est déplacé au gré des périodes. Durant l’Antiquité, Stapula, ancêtre d’Étaples, regroupe un habitat gallo-romain sur près de deux kilomètres. Du VIe au IXe siècle, un port d’échouage, sur le modèle frison et saxon, s’installe autour de Visemarest en milieu d’estuaire, rive gauche : il s’agit de Quentovic, l’un des grands ports mérovingien puis carolingien, à proximité de l’abbaye de Saint-Josse, confié à Alcuin, ministre de Charlemagne. À partir de 987 et jusqu’à la fin du Moyen Âge, Montreuil, base de repli en fond d’estuaire, port en possession directe des Capétiens, prévôté royale, domine alors le val de Canche : les gabares remontent jusqu’au port de la Poulie et même au-delà. Cette hégémonie se prolonge jusqu’au début du XIXe siècle grâce au statut de sous-préfecture accordée par le Premier consul en 1801.

Le balancier reprend son élan d’amont en aval. Le port d’Étaples connaît une expansion des activités halieutiques ; les marins passent de 8 % à 19 % de la population soit au total, en 1860, plus de mille cinq cents personnes. À peine sortie du premier conflit mondial, la jeune commune du Touquet-Paris-Plage prend alors son essor, au point de devenir l’un des lieux les plus fréquentés par l’aristocratie européenne. Depuis, à côté du rôle joué par Montreuil, lieu du quartier général du corps expéditionnaire britannique de 1916 à 1919, et du développement industriel étaplois, la station du Touquet-Paris-Plage est devenue désormais le centre d’impulsion de l’activité économique à l’ère de la civilisation des loisirs.

… et de demain

La situation présente permet d’envisager de nouveaux points d’ancrage : le Touquet-Paris-Plage dispose de structures d’accueil attractives, Étaples possède un port pittoresque et Montreuil jouit d’un bijou patrimonial. La mise en place de liaisons douces par des sentiers pédestres, des pistes cyclables et la voie fluviale entre val de Canche et Côte d’Opale représente un enjeu touristique et donc économique contemporain de première importance dans le pays rural et maritime du Montreuillois.

Bruno BÉTHOUART
Maire de Montreuil-sur-Mer

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