Logements d’insertion SNL : quand la solidarité réhabilite aussi le patrimoine

Esprit d’escalier pour la « Maison du jardinier » à Ollainville (91), soutenu par la Fondation du Patrimoine ; acquisition-amélioration de deux logements d’insertion grâce au parti-pris d’un escalier extérieur.
Esprit d’escalier pour la « Maison du jardinier » à Ollainville (91), soutenu par la Fondation du Patrimoine ; acquisition-amélioration de deux logements d’insertion grâce au parti-pris d’un escalier extérieur.

“Solidarités nouvelles pour le logement” est un mouvement associatif né il y a un peu plus de trente ans en Île de France de la mobilisation de citoyens pour qui « Habiter est une nécessité première ». Aujourd’hui six associations territoriales et leur union, une coopérative foncière solidaire, quatre-vingt-cinq salariés et près de mille trois cents bénévoles logent trois mille personnes. Éloignés du logement, vivant précédemment à l’hôtel, à la rue, en centre d’hébergement, en dépannage familial ou amical, les locataires sont logés et accompagnés par SNL pour entamer ou reprendre le parcours résidentiel auquel chacun peut prétendre. Ils sont locataires de logements d’insertion, en majorité propriété de SNL ou pour lesquels SNL détient un droit réel immobilier. Et ça marche.

SNL qui, SNL pourquoi ?

Les gens qui quittent SNL le font en moyenne après un peu plus de trois ans et partent à 97% vers une solution positive « banale » de logement, souvent en logement social.
Deux ingrédients principaux à la « recette » SNL :
D’abord un accompagnement professionnel doublé de l’attention bienveillante de bénévoles, organisés en groupes locaux de solidarité et offrant aux locataires le réseau d’entraide dont ils manquent presque toujours en arrivant.
Ensuite des logements d’insertion de qualité, aux loyers les moins élevés du parc, y compris social, bien situés, diffus dans le cadre de petites opérations immobilières, très majoritairement issues de réemploi de bâti existant. Les logements SNL sont soit invisibles, offrant la banalité et la non stigmatisation à leurs occupants, soit très visibles par leur qualité patrimoniale et offrant un cadre valorisant à ceux qui y habitent.

Heureux, dans les plis du tissu urbain ?

Une part consistante du travail patrimonial et immobilier mené par SNL oblige à l’humilité.
Dans nombre de cas, nos logements sont juste ceux que beaucoup recherchent : ni moins, ni plus.
Et surtout pas d’affichage « logement social ». Dans Paris, par exemple, l’opération SNL type consiste en l’acquisition-amélioration d’un lot de copropriété. Ici, les compétences mises en œuvre sont avant tout celles de l’équilibriste pour trouver la faisabilité financière d’une offre bien localisée dans la capitale. Nos préoccupations en arrivant dans une copropriété ? La plupart du temps, il s’agit de bâti ancien, il faut donc veiller à déceler les désordres éventuels traitables au moment des travaux et beaucoup plus embêtants par la suite. Et parfois nous trouvons des sujets structurels : ainsi une copropriété près de la Gare du Nord où l’arrivée de SNL a permis de mettre au jour un désordre devenu structurel sur les planchers et les façades dont les bois avaient été attaqués par défaut de ventilation et surtout un enduit non perspirant. Au-delà de ces situations qui, heureusement, restent des cas particuliers, pas de maîtrise de l’enveloppe du bâtiment, pas de majorité dans les décisions : les travaux visent une bonne optimisation de l’espace disponible et la meilleure maîtrise du coût d’usage, ici les charges pour nos locataires.

De l’art d’accommoder les restes urbains

Un mouvement associatif et sa foncière, même très volontaires, ne sont pas les mieux équipés pour avoir beaucoup de choix à l’étal des biens immobiliers « offerts » à la vente. La plupart des ménages à petit moyen s’éloignent des centres, reportent les dépenses futures de la part logement à la part transport et chauffage de leur budget. SNL doit opérer avec les mêmes contraintes, mais avec les atouts d’une approche coopérative : SNL a développé une forme d’expertise à prospecter et intervenir sur des biens un peu compliqués, ceux que les promoteurs, ou même bailleurs sociaux rechignent à prendre car ils sont petits, juridiquement difficiles à saisir, impliquent des réhabilitations complexes, etc… De fait SNL construit peu, ou sur des tènements un peu biscornus, et principalement il réhabilite, c’est-à-dire qu’il redonne un emploi à du bâti qui ne servait plus. Ancien bureau de poste et son logement du receveur, ancien logement d’instituteur, ancienne ferme enclavée dans le centre bourg, etc…
Dans tous ces cas, la prise en compte du procédé constructif particulier, des contraintes et atouts du bâti sont une nécessité, tant pour la qualité des logements (confort, sobriété, santé) que pour l’acceptation du projet et son soutien par la collectivité. Dans ces cas-là il s’agit de redonner une fonction, de réhabiliter un bâtiment, de sauver un patrimoine en déshérence. L’opération de logement d’insertion est, dans ce cas, bien visible et véhicule une image positive dans la ville ou le bourg qui l’accueille.

L’ancien presbytère de Quillebeuf (27), projet de six logements d’insertion, monté avec l’association Néologis et soutenu par la Fondation du Patrimoine ; bail à réhabilitation de trente-cinq ans.

Pour un compromis entre bâti, patrimoine, et usages

Ici, souvent on maîtrise l’ensemble du bâti mais on n’est pas seuls : voisinage, mitoyenneté, conditions économiques de production amènent à faire des compromis : isolation thermique par l’extérieur ? La facture des locataires la préfère mais elle n’est pas toujours accessible, possible ou acceptée. Idem pour l’usage des apports solaires en toiture.
Il n’est pas toujours simple de trouver les équilibres, les bons compromis, spécialement en périmètre de visibilité où nos projets sont souvent situés, entre les enjeux d’habitabilité, de confort et de coût d’usage et l’inscription dans une continuité architecturale et patrimoniale. On pourra regretter le caractère chronophage et, par nature, trop déséquilibré, des échanges permettant l’arbitrage du compromis par l’ABF. Même si nous sommes parfois entendus, cela nous amène trop souvent à abandonner les meilleurs choix de performance thermique, ou bien à pénaliser les occupants dans leur accès à la lumière, alors même que nous avons le sentiment d’avoir bien compris et respecté le principe constructif, l’unité architecturale et patrimoniale.
Question d’échelle, refaire à l’identique ? Pas forcément la bonne réponse, c’est bien aussi quand la performance se voit.

Exemple d’isolation thermique par l’extérieur, Ivry sur Seine (94), Acquisition-amélioration, deux logements d’insertion.

Enfin le patrimoine bâti tire souvent son esthétique, sa beauté, de la manière dont il va accueillir un ou des usages. À ce titre, quoi de plus triste qu’un bâtiment, d’habitation ou d’activité, qui n’est plus rempli que par les échos de sa dégradation progressive ? Très souvent les activités voisinent avec l’habitat : SNL reste un acteur du logement mais intervient régulièrement sur des sites qui peuvent offrir à nouveau des logements mais aussi accueillir des activités. Si tous les voisinages ne sont pas compatibles, ce mélange des genres est certes plus complexe à conduire mais offre des perspectives importantes :

  • au regard du projet social de SNL qui –chacun son métier- noue des partenariats avec des acteurs culturels, économiques, etc, qui amèneront des dynamiques et des opportunités pour les différents acteurs ;
  • au regard de l’apport des projets pour les collectivités humaines qui les accueillent, en redonnant vie à des rues, à des centres-bourgs.
Le dernier café du bourg de Cerny (91, 6 000 habitants…) rouvert grâce à la mobilisation associative et solidaire, avec deux logements d’insertion au-dessus.
En conclusion, ces interventions montrent des compromis entre des contraintes liées à la production (disponibilité et coût du foncier, des travaux), des contraintes liées à l’usage (acceptabilité des logements d’insertion, coût d’usage très réduit) : tant que l’écoute et l’envie de faire des différents interlocuteurs ne mènent pas à faire le grand écart, c’est souvent de la résolution de ce système de contraintes que naissent les projets les plus pertinents et remarquables.
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