L’Île-de-France, du verre cathédrale à la dalle de verre

L’achèvement des enquêtes de l’inventaire général dans les départements des Hauts-de-Seine et du Val-de-Marne à donné lieu à plusieurs publications dont les deux dernières concernent l’une les églises de la proche banlieue1 , l’autre l’emploi du vitrail dans l’architecture francilienne civile et religieuse de 1830 à nos jours2 , Le texte qui suit présente la place dans l’évolution des techniques de vitrail des principales réalisations développées dans cet ouvrage.

Un champ d’expérimentation

Dans la seconde moitié du XIXe siècle, les peintres verriers franciliens ont à leur disposition de nouveaux verres fabriqués industriellement, notamment par la verrerie Appert, installée à Clichy (92). Leur première utilisation sera profane, les édifices civils étant le lieu d’expérimentation des nouveaux matériaux et permettant toutes les fantaisies.

Les débuts de la IIIe République coïncident en France avec l’essor du vitrail civil, moins connu que le vitrail religieux en raison de sa difficile accessibilité. Les chercheurs de l’Inventaire ont étudié près de deux cents vitraux profanes, aujourd’hui conservés dans les Hauts-de-Seine et le Val-de-Marne, posés entre 1880 et 1910, années de gloire du vitrail civil francilien.

Victimes des modifications du bâti et de la mode, les verrières recensées ne sont que le reflet de la production francilienne et du goût de leurs commanditaires, lesquels s’en remettent souvent, pour le choix du peintre verrier, à l’architecte maître d’œuvre, garant des différents corps de métier qu’il sollicite3 .

Voir sans être vu

Sous l’Ancien Régime, les verres employés par les peintres verriers étaient soufflés en verreries. Les verres de la seconde moitié du XIXe siècle sont obtenus industriellement par coulage et présentent des reliefs variés dus à l’application de rouleaux lamineurs Pravés.

Le plus récurrent est le verre cathédrale à ondulations plus ou moins circulaires, dont un dérivé coloré dans la masse, au relief plus adouci, dit “verre anglais” apparaît vers 1850 en Angleterre, avant d’être produit industriellement par Appert. Le faible coût du verre cathédrale favorise son utilisation dans de grandes baies, en combinaison avec des panneaux figurés réalisés en verre plat et en plomb. Son léger relief permettant l’application de grisaille en fait le décor privilégié des cages d’escalier souvent réalisées par des peintres verriers locaux, Trézel ou Janin à Levallois-Perret, Neuilly-sur-Seine et Asnières-sur-Seine (92). Comme le vitrail religieux de l’époque, les premières verrières profanes du XIXe siècle se réfèrent au passé, thèmes et personnages pastichent volontiers la fin du Moyen Âge, la Renaissance et le XVIIe siècle flamand. Nombreux sont alors les personnages de style Troubadour évoquant l’amour romanesque ou les couples issus de la littérature, théâtralement vêtus, qui se détachent devant un fond en verre cathédrale ou une vitrerie losangée.

« La couleur même de nos pensées et de nos rêves »4

Privilégié par les artistes de l’Art nouveau, le vitrail s’intègre parfaitement au décor 1900 qui envahit murs et plafonds. Dépourvu de tout caractère archéologique, il imite habilement la nature grâce à l’emploi de verres martelés (cathédrale, anglais) ou chenillés, aux reliefs rectilignes ou curvilignes plus accentués, dont la mise en œuvre, en filets et bordures, est économique et rapide. De plus, une même feuille de verre donne des pièces variées en fonction du sens de la coupe, et la tonalité peut être modifiée par l’application partielle de jaune d’argent. Le plus sophistiqué, mais aussi le plus coûteux de tous, est le verre américain qui connaît un réel succès lié à la somptuosité de ses coloris, l’irrégularité de sa surface striée ou drapée, son aspect irisé, dû à l’intégration de métaux en cours de fusion et à son dichroïsme, reflet changeant suivant qu’on le voit par transparence ou par réflexion. Le verre nu se suffit à lui-même mais sa préciosité et son prix le font utiliser avec parcimonie pour évoquer le reflet chatoyant de l’eau ou l’un envol d’une draperie5 .

L’emploi combiné de plusieurs verres à reliefs peut donner naissance à de très belles compositions telle une véranda de Boissy-Saint-Léger (94) dans laquelle feuilles de marronnier, rinceaux et arums stylisés créent un paysage illusionniste où l’œil se perd entre le tangible et l’irréel, le dedans et le dehors. Le paysage extérieur devient alors un des éléments de son décor, contrairement à la composition végétale du Perreux-sur-Marne (94) où le Printemps, variation Art nouveau du peintre verrier Henri Carot (1897), traduit l’exubérance de la végétation par une richesse de couleurs et de verres industriels qui ne laissent rien voir du paysage extérieur.

Les architectes de l’Art nouveau conçoivent la décoration intérieure en écho au décor monumental : à Asnières-sur-Seine (92), la véranda, ajoutée vers 1890 par Janin à la maison de Louis Vuitton, éclaire une salle de billard décorée de sculptures ornementales végétales. Ornée de capucines peintes à l’émail sur un verre martelé, la verrière présente une mise en plomb dans laquelle chaque intersection est soulignée par une demi-pastille de verre plat, ponctuant l’ensemble de points lumineux. La ligne souple des iris et rinceaux stylisés de la bordure évoque l’art de Guimard. L’attrait des vitraux conçus par ce dernier en 1898 à la villa Canivet de Garches (92) repose sur un graphisme nerveux et élégant, sur la schématisation des formes, mais aussi sur le jeu des matières sans adjonction de peinture et sur la coupe audacieuse des verres restée inégalée. La virtuosité de Guimard et celle de son exécutant présumé le peintre verrier Georges Néret s’était déjà illustrée dans les verrières du Castel Béranger, construit cinq ans auparavant à Paris6 .

L’inspiration végétale peut conduire à d’autres types de décors comme celui de la salle de bains de l’ancien château de Vert Mont, à Rueil-Malmaison (92) métamorphosée en une fabrique de jardin dans laquelle mosaïque, faïence murale et verre cathédrale créent un décor illusionniste teinté de japonisme. Ce sont également les fabriques de jardin qui inspirèrent à Léon Fargue, le vitrail céramique qu’il réalise à la demeure Berggrav de Fontenay-sous-Bois (94)7 .

Le vitrail d’église, continuité d’une technique

L’emploi des verres à reliefs reste alors marginal dans le vitrail religieux francilien. Le verre cathédrale est considéré comme un matériau d’attente, utilisé en fermeture provisoire des baies lors de restauration. Les premiers exemples répertoriés de verres chenillés se situent autour de 1900, à la chapelle funéraire de J. Hunebelle à Clamart (92), à Notre-Dame-du-Rosaire de Saint-Ouen (93), à Saint-Pierre de Neuilly-sur-Seine (92) où ils constituent les fonds et les soubassements de scènes figuratives.

Les années 1930, la révolution du béton

Dans les années 30, des verres à relief garnissent encore des cages d’escalier d’immeubles, mais l’engouement des particuliers pour le vitrail civil décline. À l’exception de verrières de Louis Barillet à Neuilly-sur-Seine (92), deux très belles compositions signées ornent des villas privées, l’une de Jacques Damon à Boulogne-Billancourt et l’autre de Jacques Gruber à Sceaux. Ces verrières Art Déco sont constituées de nombreux verres à reliefs non peints agrémentés de cabochons moulés circulaires ou taillés en pointe de diamant. L’accroissement de la population entraîne l’agrandissement de mairies, la construction d’écoles, et celle d’églises grâce à l’œuvre des Chantiers du Cardinal créée en 1931. L’utilisation prépondérante du béton rend nécessaire la mise au point de nouveaux matériaux. Faisant suite aux premiers modèles utilisés après la guerre de 1870, les pavés de verre créés en 1906 sont des petits éléments de verre moulé, ronds, puis carrés noyés dans le béton. Offrant une grande capacité de résistance, ils sont employés dans plusieurs immeubles avant d’être utilisés en 1935 pour la coupole de l’escalier d’honneur de la mairie de Vincennes rénovée (94). D’un diamètre exceptionnel (douze mètre vingt), cette dernière, composée d’environ dix mille pavés de verre dont certains sont colorés, a été dessinée par les architectes H. Quarez et G. Lapostolle et réalisée par les établissements Dindeleux.

Le mariage du béton et du pavé de verre conduit à la fabrication du béton translucide, inventé par Gustave Joachim qui en dépose le brevet le 13 mai 1909. Sa technique ne cesse de se perfectionner : en 1935, la manufacture de Saint-Gobain-Aniche-et-Boussois vante l’extrême résistance de pavés Sécurex et le rendement très lumineux des pavés Sécurex réflecteurs. Après leur utilisation à l’aérogare du Bourget (G. Labro, 1936-1937), les pavés Dindeleux et les briques Nevada -créées en 1928 par Saint-Gobain- se généralisent dans les bâtiments industriels, administratifs ou commerciaux8 . L’éclairage du hall d’entrée du lycée professionnel du bâtiment de Montrouge (92), construit par Guy Barbé, combine pavés de verre à la coupole, briquettes de verre et verre moulé dans l’escalier. Dans la paroi en briquettes de verre Dindeleux, Henri Navarre a sculpté quatre bas-reliefs de verre moulé représentant les images symboliques de la construction du foyer. En retravaillant ses sculptures après démoulage, à la limite de la plasticité du matériau, Navarre obtient des parties lisses ou rugueuses en fonction de la température et du moule utilisé. Sa technique se différencie de la dalle de verre, dont les premiers exemples exposés en 1929 par Jean Gaudin et Louis Mazetier étaient figuratifs9 et constitués de pièces de verre de petites dimensions, selon une technique apparentée à celle de la mosaïque. Avant 1940, seuls cinq ou six ateliers pratiquent cette technique qui sera très prisée dans les années soixante. Il s’agit de dalles de verre moulées, taillées ensuite à la marteline sur la face interne avant de prendre place dans une structure de ciment à résille métallique dont l’emploi répond, comme le plomb, à une nécessité fonctionnelle. Malgré le poids et le faible indice de luminosité des œuvres, le procédé séduit par la possibilité de coupes prismatiques donnant des variations d’épaisseur donc de lumière. Un bel exemple civil se voit aux portes du lycée de filles Marie-Curie à Sceaux (E. Brunet, 1932-1936) constituées de dix-huit dalles d’Auguste Labouret, encastrées dans une ferronnerie de R. Subes. Chacune représente par enlèvement de matière les principales sciences, de la philosophie à l’architecture en passant par la chimie. La lumière s’accroche aux parties martelées dont elle fait ressortir la puissance du modelé. Dans les escaliers, alternent des compositions linéaires en verres à reliefs striés, granulés ou martelés, dont le rythme est donné par l’emploi répétitif de modules rectangulaires et l’alternance de tons jaunes et blancs.

Ce sont également les portes de l’école de garçons d’Asnières-sur-Seine (92) qui retiennent l’attention : leur décor gravé en 1933 par P. Lardin, symbolise les arts autour d’un profil d’Athéna. Le procédé industriel de gravure sur verre au jet de sable a été mis au point par Gaëtan Jeannin. Sa technique permet de réaliser des compositions d’une grande variété en fonction du verre utilisé, dont on protège la partie à décorer. À Colombes (92), la gravure appliquée sur les deux faces d’un verre épais a permis une composition dont le relief et le dessin évoquent la sculpture monumentale contemporaine.

En Île-de-France, l’atelier de Louis Barillet réalise les compositions les plus abouties et les plus représentatives des années trente, associant la pureté de la ligne à la justesse de l’emploi d’un verre miroir ou d’un élément coloré, dont le positionnement est savamment étudié10 . On lui doit en 1932 les vitraux blancs de l’ancienne salle des fêtes d’Issy-les-Moulineaux (92), actuel Palais des arts et des congrès, illustrant des extraits d’opéras aujourd’hui réunis en une frise dans le hall d’entrée. Les personnages, traités en verres opaques, noirs ou miroirs, se détachent sur un fond de verres à reliefs d’une grande variété.

Le renouveau du vitrail religieux

L’entre-deux-guerres, période de construction particulièrement prolifique grâce aux Chantiers du Cardinal, sera celle de la remise en cause de l’art sacré en général et du vitrail d’église en particulier dans sa forme traditionnelle. Pour les Ateliers d’art sacré, créés par Maurice Denis en 1919, l’iconographie n’est pas la seule justification des vitraux d’église. Leur présence implique toute l’architecture et son décor et contribue à créer une ambiance comme en témoignent les claustras et verrières de Notre-Dame-du-Raincy (M. Denis et M. Huré, 1923). C’est aussi ce que recherchait Marguerite Huré en déposant en 1930 le brevet de la brique Huré, utilisée pour la rose de Notre-Dame-des-Missions à Epinay-sur-Seine (93) où les alvéoles des briques sont garnies chacune de deux verres (coloré à l’extérieur, incolore à l’intérieur) chargés de diffuser un reflet de lumière dans l’édifice.

Dans le même département, les verrières en béton translucide de l’église Saint-Charles du Blanc-Mesnil (93) sont constituées de pavés géométriques permettant des variations infinies combinant même si nécessaire l’eurythmie des motifs géométriques au chrisme, aux symboles des litanies où à une croix rayonnante.

Un renouvellement esthétique du vitrail s’opère, la représentation figurée cédant progressivement la place aux figures géométriques puis a l’abstraction. Les vitraux abstraits posés par Manessier aux Breseux (25) (atelier Lorin, 1948) et l’intervention de plusieurs peintres de renom sollicités comme cartonniers à Notre-Dame-de-Toute-Grâce au plateau d’Assy (1956) vont généraliser la collaboration avec les peintres autour de 1960 ; ce sont eux qui mèneront peu a peu le vitrail sur le chemin de l’abstraction. En Île-de-France, parmi les nombreux ensembles abstraits des années cinquante11 , ceux des peintres Zack et Bazaine sont les plus représentatifs de la nouvelle esthétique. En 1956, Léon Zack dessine les vitraux de Notre- Dame-des-Pauvres d’Issy-les-Moulineaux (92)12 dont on a coutume de dire qu’ils sont « le seul luxe du sanctuaire ». L’originalité des verrières monumentales non figuratives, réalisées en technique traditionnelle par Henri Déchanet, naît de leur composition et de leur graphisme. L’ensemble est composé de petites surfaces morcelées inscrites dans des pièces de verre de plus grand format. Le graphisme des plombs, souvent plus esthétiques que fonctionnels, la dualité des couleurs, la légèreté du lavis de grisaille invitent à se laisser emporter sur un rythme musical fluide vers une évocation de la légèreté des corps et créent une atmosphère propre à susciter prière et recueillement. En 1957, Jean Bazaine réalise quatre cartons -traduits par Marguerite Huré- pour la chapelle de l’association À.T.D. Quart-Monde de Noisy-le-Grand (93) dans lesquels il utilise le langage allusif de la couleur et la coupe incisive des verres pour donner vie et dynamisme à ses compositions

L’âge d’or de la dalle de verre

La seconde moitié du XXe siècle connaît deux bouleversements majeurs : l’un d’ordre esthétique, la généralisation croissante de l’abstraction, l’autre d’ordre liturgique, la réunion du concile Vatican II en 1962 conduisant à une rénovation des édifices cultuels et de leur décor.

Afin de créer un climat communautaire, le concile simplifie la liturgie et invite à dépouiller les églises des évocations figuratives. Cette révolution sera servie par la technique de la dalle de verre qui connaît ainsi, grâce à Vatican II, son âge d’or entre 1965 et 1975. Dans les Hauts-de-Seine, cette technique peut garnir des fenêtres de forme traditionnelle à Meudon (atelier Guével, 1975) ou être déployée en compositions monumentales occupant tout un mur comme à Saint-Denys de Vaucresson (1967, par l’atelier Loire) voire une façade entière, à Saint-Pierre-Saint-Paul de Colombes (1968) où la composition de Louis-René Petit atteint des dimensions inégalées, six cents mètres carrés, dont quatre cent cinquante en une seule paroi. Les ateliers franciliens de Job Guével et de ses descendants se feront les champions de cette technique dans laquelle ils sont passés maîtres.

À Boulogne-Billancourt (92), dalle de verre et technique traditionnelle co-existent dans une même église (l’Immaculée-Conception) et plus rarement dans une même baie (Sainte-Thérèse-de-Lisieux)13 .

Nouvelles recherches

Parallèlement à l’utiliation de la dalle de verre, les peintres verriers cherchent d’autres techniques mieux adaptatées aux formes nouvelles des ouvertures. À Saint-Paul d’Ambourget d’Aulnay-sous-Bois (93), Henri Martin-Granel insère en 1965 des verres colorés à relief dans les alvéoles des briques conçues comme des claustras. Ce procédé, proche de la brique Huré, reprend la technique familiale mise au point dix ans plus tôt à Notre-Dame de Royan. Les murs-lumière, inventés par François Chapuis à partir de résine polyester armée de fibres de verre, de fragments de tubes de plastique et de mousse alvéolée, ont été posés en 1963 à la tour-lanterne de Saint-Michel de Livry-Gargan (93). Cette technique, qui requiert la pratique de l’action painting14 , donne naissance à des panneaux indéformables malgré leur faible densité au mètre carré, cumulant des qualités de résistance et d’isolation qui les font apprécier également dans les constructions civiles.

À la chapelle Saint-Bernard de Colombes (92), les architectes H. Pottier et J. Tessier reprennent le parti expérimenté dix ans plus tôt par Le Corbusier à Notre-Dame-du-Haut à Ronchamp (70) : les murs sont creusés de “canons de lumière”, garnis de verre uni jaune ou blanc.

François Chaboissier, lui, fait du vitrail le support de ses recherches personnelles qu’il s’agisse des dalles de verre “imbriquées” posées en 1985 à Rosny-sous-Bois (93) ou de la verrière en verre et plomb consacrée en 1992 à Marcel Callo à Tremblay-en-France (93), sorte de patchwork de petits éléments cherchant à reconstituer la vie du bienheureux.

BIBLIOGRAPHIE
« Le vitrail, vocabulaire typologique et technique », Nicole Blondel, Paris, Imprimerie nationale, 1993 et « Les métamorphoses de la technique du vitrail au XX: siècle, Regards sur le vitrail », Véronique Chaussé-David, Actes sud/ACAOAEF 2002, p. 45-69 ; revue mensuelle « Glaces et Verres », dont le 1er numéro est publié en décembre 1927.

En quête d’immatérialité

Depuis Vatican II, l’église est devenue un élément du complexe paroissial communautaire ; elle doit être « ouverte vers l’extérieur ».

C’est ainsi que Louis-René Petit aborde le vitrail des années quantre-vingt en terme de “non-clôture”15 , cherchant à rendre présent dans ses compositions le paysage environnant. « Seules quelques matités ou verres colorés rappellent la clôture effective » mais ils sont mêlés à de nombreux verres incolores permettant à l’œil l’accès vers le dehors. La couleur n’est plus systématiquement « enfermée dans le graphisme du plomb ou du béton, elle interpénètre les surfaces incolores ». Cette dualité intérieur/extérieur, qui était déjà nous l’avons vu une préoccupation de l’Art nouveau, tend à créer une atmosphère de recueillement dans un lieu que l’on ne veut plus dissocier de la vie extérieure.

La transparence, l’ouverture sur le monde est aussi ce vers quoi tend Henri Guérin à Saint-Maxime d’Antony (92), où dans les mêmes ouvertures des plages blanches et lisses en verre armé côtoient des panneaux en dalles de verre colorées, dont les éclats enlevés à la marteline modifient la tonalité en fonction de l’épaisseur. Toutes ces recherches témoignent de la vitalité de l’art du vitrail. Parallèlement au savoir-faire traditionnel, qui doit toujours être enseigné ne serait-ce que pour restaurer les œuvres anciennes, le vitrail préoccupe les artistes contemporains ; ce sont eux qui le font évoluer au gré des nouvelles techniques. Toujours d’actualité, il est ainsi redevenu riche de possibilités et de promesses. Durant la dernière décennie du XXe siècle, ont été diffusées des techniques de thermoformage, collages, émail sur glace, fusing propres à enrichir le travail du verre et à inciter de nouvelles créations bien au delà des limites de l’Île-de-France.

Laurence DE FINANCE
Conservateur du patrimoine à l’Inventaire général

  1. « Le Bas Antoine, Des sanctuaires hors les murs, églises de la proche banlieue parisienne », 1801-1965, dir. D. Hervier, préface de FE Loyer, cahier du patrimoine n° 61, Monum’ édition du patrimoine, 2002.
  2. « Un patrimoine de lumière, verrières des Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis, Val-de-Marne », dir. L. de Finance et D. Hervier, préface de J.M. Leniaud, cahiers du patrimoine, n°67, Monum’ édition du patrimoine, 2003.
  3. Épron Jean-Pierre, « Architecture : une anthologie, tome 3 : la commande en architecture », Liège, Mardaga, 1992, p. 241, 251-254.
  4. Thomas Albert, « Le vitrail à l’Exposition universelle », L’Art décoratif, août 1900, p. 180.
  5. Deux des trois verrières de l’hôtel de ville de Levallois-Perret (92) réalisées en 1897 par Hubert et Martineau en offrent de très beaux exemples.
  6. Hérold Michel, « Les vitraux du Castel Béranger Guimard et son temps ». Laurence de Finance, « Néret, peintre verrier d’Hector Guimard », Art, technique et science la création du vitrail de 1830 à 1930, Actes du colloque international, Liège (Belgique), 2000, p. 73-80.
  7. Léon Fargue dépose le brevet vers 1890. « Les vitraux céramiques de M. Fargue », Revue des Arts décoratifs, tome XI” 1893-1894, p. 260-261.
  8. Si l’usine Géo du Kremlin-Bicêtre (94) reçut des briques Falconnier (déjà utilisées par Guimard dans les escaliers du Castel Béranger), l’éclairage du laboratoire photocinématographique (1937) de Montreuil (93) est assuré par des pavés de verre.
  9. Il s’agit d’une Crucifixion exposée au palais Galliera.
  10. Voir infra, l’article consacré à cet atelier par C. Nebout.
  11. À Drancy et Saint-Denis (93), à Neuilly-sur-Seine et Levallois-Perret (92).
  12. Construite par les architectes Lombard et Duverdier.
  13. Les dalles de verre inachevées et partiellement détruites de Labouret y ont été complétées en verre et plomb par C. Blanchet, d’après les cartons d’A. Pierre.
  14. Intervention qui nécessite inspiration, adresse et sang-froid lors de la réalisation.
  15. Espace, n°13, 1981, p. 54.
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