Repenser collectivement « l’habiter en centre-ville » ? Le défi du programme Action Cœur de Ville

Façade de l’opération rue Diderot, Moulins. © Evolea.
Façade de l’opération rue Diderot, Moulins. © Evolea.

Le programme national « Action Cœur de Ville » lancé par l’État en 2018 a vocation à inscrire les communes dans des projets ambitieux de revitalisation de leur centre-ville. Au travers de ce programme, Action Logement s’investit dans la lutte contre les fractures territoriales et agit en faveur de la confortation du lien emploi/logement, sa mission première, au service des dynamiques économiques des territoires. C’est dans cet objectif volontariste qu’a été développé le produit de financement ACV donnant aux acteurs locaux les moyens de penser avec ambition et audace l’adaptation du bâti ancien aux conditions de vie du XXIe siècle.

Répondre à la problématique de revitalisation des centres-villes

Les communes éligibles ont bien compris que ce financement, visant à accompagner leur stratégie en matière d’attractivité résidentielle, leur offre un nouvel outil puissant pour susciter de l’investissement local dans leur centre-ville et assurer ainsi la préservation du patrimoine dans les meilleures conditions. Ce financement est destiné à équilibrer ces opérations de centres-villes par nature complexes à boucler. Coût du foncier, état du bâti d’origine, contraintes de chantier, sont autant de variables techniques qui rendent ces opérations incertaines. Leur concrétisation est permise grâce à un couple prêt/subvention pouvant aller jusqu’à 1 000 €/m² de surface habitable. La part de subvention allouée à chaque opération est variable, déterminée en fonction de l’équilibre intrinsèque de chaque opération.

En bref

  • Concourir à la production d’une offre de logement nouvelle en locatif social et intermédiaire, privé, libre ou accession sociale ayant vocation à loger des salariés et participer ainsi au développement économique du territoire
  • Intégration des orientations stratégiques de la collectivité permettant de répondre aux enjeux de réhabilitation en centre-ville et à l’adaptation de la ville ancienne à de nouveaux usages.
  • Un financement travaux jusqu’à 1 000€/m² de SH composé d’un mix prêt/subvention pour produire une offre qualitative et attractive
    Tous les détails sur le site d’Action Logement
Ce financement doit permettre aux opérateurs de penser avec ambition, en lien étroit avec la collectivité, la requalification du patrimoine de centre-ville : introduction d’aménités types terrasses, grandes typologies, stationnement, espaces verts communs qui viennent renchérir le prix de revient mais aussi renforcer l’attractivité des logements produits.

En outre, ce financement nouveau destiné tant à des opérateurs du parc social et intermédiaire qu’à des investisseurs privés permet de couvrir une large palette d’intervention pour répondre aux besoins spécifiques des territoires et des salariés : accession sociale, habitat privé conventionné, logement agréé social et intermédiaire.

Enfin, il permet de concevoir des réponses à diverses problématiques urbaines : traitement d’immeubles patrimoniaux à réhabiliter, transformation de locaux d’activité ou de bureaux en logements, démolition d’immeuble et reconstruction.

Une ambition et une exigence de qualité portée aux côtés des acteurs de la construction, de l’architecture et de l’urbanisme

L’intervention d’Action Logement repose sur la volonté de partager avec les acteurs locaux un projet commun aussi exigeant qu’audacieux dans le traitement du bâti ancien de centre-ville afin de faire émerger des propositions d’habitat répondant aux aspirations, besoins et trajectoires de vie des individus et des ménages, et en première ligne les salariés du bassin d’emploi.

Cet engagement sans précédent d’Action Logement permet d’engager les opérateurs dans une approche plus globale du financement de programmes de logements, en s’intéressant, au-delà de l’équilibre des opérations, à leur intégration urbaine mais aussi à leur contribution au projet de ville, à leur qualité architecturale et à l’habitabilité des logements produits. Il s’agit enfin de susciter une demande de « vie en centre-ville », très souvent peu exprimée sur ces secteurs détendus et ajustée aux attentes de la société actuelle (types de logements, qualité y compris en matière de consommation énergétique, services) en prenant en compte les enjeux environnementaux et sociaux, notamment la limitation de l’artificialisation des sols et l’accès aux services.

C’est ainsi, qu’à l’instar de la dimension hautement partenariale du programme national Action Cœur de Ville, des événements et groupes de travail ainsi que des comités techniques de revue de projet ont localement vu le jour pour mettre autour de la table les acteurs de la fabrication de la ville et du logement : chefs de projet des villes ACV, Ordre des architectes, Ordre des géomètres-experts, architectes des bâtiments de France, CAUE, bailleurs, Anah, Action Logement, etc. Ces espaces de discussion ont vocation à permettre l’échange sur les opérations en cours de définition et, cela, le plus en amont possible dans une démarche constructive et collaborative.

Des réalisations concrètes

Depuis le début du programme, plus de deux cent cinquante dossiers de financement ont déjà été instruits. Ils correspondent à des programmes aussi divers que complexes d’un point de vue technique et financier. La difficulté résulte souvent de l’intervention sur un bâti ancien : les contraintes et enjeux de conservation du patrimoine s’alliant à l’impératif de proposer des conceptions d’espaces intérieurs attractives et adaptées à la demande locale d’aujourd’hui et de demain autant qu’à la nécessité d’améliorer la qualité thermique et acoustique du bâti.

Restauration Salle Jean Gaillard, ancien hôtel consulaire, Béziers. © OMLB Architecture
Quelques exemples emblématiques montrent l’effet levier de ce travail collectif comme la restauration de l’ancien hôtel consulaire de Béziers1 avec l’introduction d’une mixité de fonctions (trois commerces, dix logements, deux espaces de bureaux et un équipement public culturel) tout en préservant certaines œuvres et mobiliers étant classés au titre des Monuments historiques. De même, la réhabilitation d’un bâtiment accueillant anciennement une chaîne de restauration rapide2 dans l’une des principales rues commerçantes de Beauvais où l’exigence d’insertion urbaine, combinée à la volonté de densification en plein cœur de ville, a complexifié la réalisation d’un programme de logements très qualitatif dans les volumes.
État projeté opération rue Carnot, Beauvais. © aLEAdoscope Architecture
Appartenant au patrimoine historique de la ville de Moulins, enfin, l’immeuble de la rue Diderot est la première opération livrée du programme ACV. Plus particulièrement, ce sont les méthodes de travail du bailleur (Evolea) mêlant pragmatisme opérationnel avec une volonté d’allier intelligemment la nouvelle destination au patrimoine existant qui ont permis de conserver les éléments caractéristiques du bâtiment comme l’escalier ou le dallage de la cour intérieure, ainsi que des parquets anciens, des cheminées décoratives ou des placards. Cette opération a pris en compte un désamiantage total du bâtiment, ainsi qu’une mise à nu complète de sa structure, révélant de graves défauts structurels. Elle a pu voir le jour grâce à l’expertise technique de la maîtrise d’œuvre et de la maîtrise d’ouvrage ; à une collaboration fertile entre l’architecte3 , le bailleur et l’ABF, associé par exemple au choix des matériaux ; et des soutiens financiers de la ville et des partenaires, notamment Action Logement dans le cadre du dispositif Action Cœur de Ville. Au total, ce sont douze logements collectifs de 28 m² à 72 m² à destination d’actifs seuls ou petits ménages. (image: image007.png caption: Plan de financement de l’opération rue Diderot. Soutien de la ville de Moulins, notamment dans l’exécution de travaux (Budget global 1 487 719 € TTC dont 1 000 000 € TTC de travaux soit 1 950€ TTC/m² de SU)

Ainsi, grâce à un dialogue en amont, les préconisations de l’ABF peuvent être discutées afin de trouver des orientations convergentes entre les parties prenantes et être intégrées dès la phase de conception afin de minimiser l’incidence sur le prix des opérations. Ces exemples montrent aussi l’importance d’intégrer l’ensemble du projet (y compris les usages de rez-de-chaussée) pour allier qualité architecturale et qualité d’usage des produits de sortie.

ACV comme démonstrateur pour repenser collectivement « l’habiter en centre-ville » ?

Cette politique publique multithématique et multiacteur appelle les acteurs locaux à se saisir des enjeux du mode d’habiter demain dans un tissu urbain existant et à choisir ensemble le processus d’élaboration et de construction de ces nouveaux produits. Aux opérateurs, experts de la construction et de la réhabilitation, financeurs, collectivités, garants de l’intérêt général et porteurs d’intérêts particuliers de trouver de nouveaux modes de faire ensemble à transposer dans d’autres territoires et sur d’autres projets.

  1. Immeuble en centre ancien de Béziers datant de 1832 ayant connu plusieurs agrandissements et hébergeant les locaux de la Chambre du Commerce et de l’Industrie de 1925 à 2018. MOA : Groupe OMLB, MOE : OMLB architecture
  2. MOA : Clesence, MOE : aLEAdoscope Architecture
  3. Maîtrise d’œuvre : Architecte Sarl M. Perrin / Economiste – BET fluides : Sequoia / BET Structure : Chevrier / BET Electricité : B2ES.
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