Comines, un projet urbain transfrontalier

Située à une quinzaine de kilomètres au nord de Lille, Comines trouve sa particularité dans le contexte frontalier de son histoire.

Partagée d’ouest en est par la Lys que la route d’Ypres franchit, Comines est plus dense au sud qu’au nord car la rivière, aujourd’hui canalisée, s’étendait entre des flots marécageux désormais asséchés mais en partie encore inondables. La ville s’est développée le long de la rivière autour de l’industrie du lin et fut tour à tour flamande ou française, avant d’être définitivement partagée en deux par la frontière, fixée sur la Lys depuis le XVIIe siècle. Au nord et en Belgique, Comines-Warneton s’étend sur une enclave francophone en Flandre occidentale et le chef-lieu, Comines (Belgique), concentre son urbanisation sur les axes routiers principaux, notamment vers le pont, maintenant en pâtures les berges de la rivière. La partie belge est sensiblement plus vaste que son homologue française qui se regroupe et s’est développée de manière plus compacte autour du bourg d’origine situé au sud de la Lys, dont la rive, à cet endroit, est largement urbanisée.

Au cœur des combats de la Première Guerre mondiale, les deux Comines ont été rasées en 1917. La reconstruction des années 1920 a respecté fidèlement les tracés viaires ainsi que le parcellaire avec, par endroits, des compositions d’ensemble dans le style régionaliste néo-flamand alors en vogue.

Une fenêtre sur l’Europe

La logique administrative renvoie néanmoins les deux Comines dos à dos jusqu’à l’ouverture des frontières à la fin des années 1990, où les projets transfrontaliers vont par ailleurs susciter des préoccupations communes : la mise à grand gabarit de la Lys, d’une part, et la liaison tram-train Lille-Ypres, d’autre part. Ces deux projets affectent notamment, par le relèvement des berges et du pont, la place centrale de Comines-France où viennent d’être protégés au titre des monuments historiques l’église et l’hôtel de ville, à quatre-vingt mètres de la frontière. Comines-France propose alors à son homologue wallonne de s’associer à une réflexion transfrontalière de mise en valeur de leur patrimoine pour mieux accompagner l’évolution de ces projets. Le cahier des charges, rédigé pour un marché d’études, a pour objet la mise en œuvre d’une ZPPAUP en France, intégrant des propositions de protection sur le territoire wallon pour la mise en valeur et l’harmonisation des paysages et le face-à-
face entre les deux villes jumelles : ces propositions ne pourront pas se traduire par une ZPPAUP, mais pourront intégrer un dispositif wallon.

Une consultation est alors organisée, dont le règlement prévoit que dans les équipes françaises participent des associés wallons, compétents en architecture, en urbanisme et en patrimoine. L’analyse des offres effectuée par une commission franco-wallonne retient les propositions « Une fenêtre sur la ville » et « Topos ».

Le suivi de l’étude est assuré par la maîtrise d’ouvrage conjointe des deux Comines et son financement par l’Europe, le ministère français de la Culture et les deux communes, française et wallonne. Un comité de pilotage technique franco-wallon se réunit régulièrement pour valider les différentes étapes des études et, en 2005, l’étude préliminaire est réalisée, comprenant les orientations communes de part et d’autre de la Lys et le projet de ZPPAUP sur Comines-France. Ce dernier s’attache notamment à la requalification des berges de la Lys, vouées essentiellement jusque-là aux activités industrielles et fluviales.

Une émulation sur les deux rives Comines-Belgique décide alors de lancer trois autres études complémentaires pour réviser et créer ses propres documents d’urbanisme (plans communaux d’aménagement — PCA), en vis-à-vis de la ZPPAUP, traduisant les orientations communes de l’étude préliminaire : le PCA de Kortekeer (croissance urbaine), le PCA de la Morte-Lys (requalification urbaine) et le PCA du Parc de la Lys (requalification paysagère).

Les droits français et wallon, fondés sur des principes proches, ne permettent pourtant pas une transposition directe, tant par la hiérarchie des normes soutenues que par leur teneur. Les dispositifs n’offrent pas les mêmes atouts et ne sont pas mis en œuvre avec les mêmes méthodes, à savoir : une très grande richesse d’analyse visant à asseoir des mesures spécifiques de protection pour la ZPPAUP, qui demeure une servitude à l’échelle de la commune, d’une part, et le développement potentiel d’une organisation spatiale des quartiers à restructurer ou en devenir pour le plan communal d’aménagement qui constitue un document d’urbanisme à une échelle plus limitée, d’autre part. La participation citoyenne en Belgique appelle par ailleurs une implication forte de la population sur l’aménagement du cadre de vie.

Dans le contexte européen en construction, cette expérience reste cependant exemplaire par les questions qu’elle a posées sur la coordination et l’harmonisation de la portée des dispositifs. En effet, la conduite de nombreux projets ne trouve sens et pertinence que sur un territoire élargi pour les besoins d’une même communauté.

Jean-Marie Claustre
Conseiller architecture DRAC Nord-Pas-de-Calais

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