Des architectes pour le territoire

Peu après la création du corps des architectes et urbanistes de l’État1  : par fusion entre celui des architectes des bâtiments de France et celui des urbanistes de l’État, en 1993, un arrêté2 a défini le cadre de la formation que devait recevoir chacun de ses nouveaux membres. Un cahier des charges, rédigé par les ministères de l’Équipement et de la Culture a alors précisé les objectifs généraux de cette formation aux enjeux ambitieux : « constituer un corps de l’État de haut niveau, porteur et animateur des politiques nationales dans les domaines de l’architecture, de l’urbanisme, de l’aménagement et de la gestion du patrimoine, construire l’identité de ce corps autour d’une perception avérée des acteurs et des enjeux de ces domaines, apporter les compétences professionnelles couvrant l’ensemble du champ d’activité du corps, conforter et approfondir les aptitudes inhérentes à chacune des spécialités, préparer les élèves à l’exercice de responsabilités et aux fonctions d’encadrement au sein d’un service de l’État »3 .

Depuis douze ans, les maîtres d’œuvre de la formation que sont l’École nationale des ponts et chaussées (ENPC) et l’École de Chaillot se sont attachés à construire l’unité de ce corps tout juste naissant, après le rattachement de l’architecture au ministère de la Culture. Pour éviter l’écueil d’une simple juxtaposition de deux formations spécialisées, les enseignements ont été répartis entre tronc commun et enseignements de spécialité pour permettre aux élèves de partager leur culture des territoires tout en acquérant une expertise suffisante pour assumer des missions variées dans un cadre institutionnel en mutation. La transversalité des approches est un souci constant de la formation. Ainsi, les élèves de l’option patrimoine, dont la formation initiale dans le domaine de l’aménagement fait parfois défaut, apprennent désormais à penser leur expertise architecturale dans sa relation à des territoires de plus en plus vastes et complexes. Dans le même temps, ceux de l’option aménagement sont invités à s’interroger sur la pertinence du transfert vers la politique de la ville -notamment dans les banlieues- de l’expérience accumulée par les agents de l’État, depuis quarante ans, dans les centres historiques. Il ne s’agit plus de former, d’un côté, des spécialistes du patrimoine et, de l’autre, des spécialistes de l’aménagement, mais de constituer un corps de généralistes des questions urbaines, architecturales et patrimoniales capables de questionner un territoire, d’interpeller ou de reformuler la commande d’un maître d’ouvrage en fonction d’objectifs de développement durable et d’équité socio-spatiale, capables aussi d’énoncer le droit dans leurs domaines de compétence et de le faire appliquer.

La formation a connu de nombreuses évolutions en fonction du contexte depuis douze ans. Récemment, un groupe de travail a été mis en place à l’initiative des directeurs des deux écoles, dans le but de réfléchir à de nouvelles modalités pédagogiques permettant de mieux valoriser et disséminer les savoir-faire des AUE.

Des « grands témoins » choisis pour leur forte implication dans les questions urbaines et patrimoniales ont ainsi été auditionnés par les membres du groupe de travail. Ils ont montré que les métiers incarnés par les AUE sont nécessaires dans les collectivités territoriales, dans les ministères autres que ceux de la Culture et de l’Équipement, mais aussi dans les programmes européens de développement des territoires. Il serait dès lors opportun de proposer aux nouveaux recrutés des parcours professionnels élargis par rapport à ceux qui sont les leurs aujourd’hui, et d’adapter leur formation en conséquence.

Les statistiques réalisées dans le cadre de cette réflexion montrent en effet que les parcours qui permettraient des transferts d’expérience dynamisant les services, sont encore rares et peu valorisés.

Agnès SANDER et Claudine PIATON
Architectes, responsables de la formation des AUE à l’École nationale des Ponts et Chaussées et à l’École de Chaillot

  1. Décret du 24 février 1993, modifié par le décret du 2 juin 2004.
  2. Arreté du 6 mai 1994 relatif à la formation des architectes et urbanistes de l’État.
  3. Cahier des charges de la formation post-concours des architectes et urbanistes de l’État, objectifs et prncipes d’organisation de la formation (MCC et METLTM, s.d.)
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