Le Palais de Chaillot, l’architecture au musée

Ancien associé d’Andrée Putman au sein d’Ecart, Jean François Bodin a exercé aux USA. Il gagne son premier concours pour la DMF en 1987 : le musée Matisse à Nice. Il travaille maintenant depuis plus de dix ans sur le projet de Chaillot. Lauréat du temps de Guy Cogeval, il a revu sa copie, déjà au stade du DCE, à la nomination de Jean-Louis Cohen. Il a alors compris la nécessité, vitale pour son agence, d’envisager un projet évolutif, susceptible de résister à tous les changements grâce à de fortes potentialités tenues en réserve et à la fluidité des circulations.

Les interlocuteurs se sont régulièrement succédés, les intentions se sont démultipliées, l’incendie puis l’intervention de François de Mazières ont définitivement clarifié la situation ; le projet a retrouvé une globalité longtemps perdue de vue. Si dès le départ, l’assemblage hétéroclite de moulages accumulés en trois campagnes, à été considéré comme une véritable collection, légitimée par le temps, en revanche la présentation des peintures, l’intégration de l’École de Chaillot et de la bibliothèque n’avaient pas été retenues.

Aujourd’hui, la collection du musée de Sculpture comparée fondée sur le modèle de l’art médiéval, puis les fragments reproduits dans une vision encyclopédique, enfin les œuvres représentatives de l’art monumental sont fondues dans un seul et même parcours cohérent. Un redéploiement chronologique pour les deux galeries de moulages et une mise en scène thématique pour la galerie contemporaine révèlent le nouveau parti du projet muséologique.

Pour Jean François Bodin, la difficulté n’a pas été de s’inscrire dans la lignée de Jacques Carlu qui a su enrober la réalisation de Gabriel Davioud avec une habileté diabolique. En effet, la majorité des projets de musée s’appuie sur l’existant, le véritable défi consistait à travailler à partir d’œuvres pour 80 % inamovibles. Comme souvent pour le bâti ancien, il n’existait pas de mesures exactes mais quelques relevés ponctuels, ce qui signifie d’intervenir grandeur nature et régler sur place la disposition définitive des éléments. Cette contrainte a entraîné un effet pervers de dominos, le positionnement d’une œuvre influant sur l’ensemble.

Au sommet de la colline de Chaillot, les ailes du palais dessinent un arc élégant. Cette courbe en anse de panier qui s’accélère inexorablement vers sa fin, a décidé de l’organisation intérieure où dominent les pièces de sculpture orthogonales : un jeu de taquets plus périlleux qu’une présentation d’architecture ! Il paraît illusoire de vouloir faire comprendre, à partir d’une documentation aussi dense de dessins, plans, maquettes, le domaine de l’architecture. Plonger le visiteur dans un monde virtuel, par le biais des technologies actuelles, aurait permis de le rapprocher des réalisations et peut-être même de l’instant magique de la création, celui où l’idée acquiert sa forme et son volume.

La solution adoptée est celle, à l’image d’une déambulation romantique dans les ruines, d’une invitation au voyage à travers la France, mais elle devient également le support pédagogique et scientifique incontournable à l’appréhension de l’architecture. L’incertitude sur l’échelle des édifices permet à chacun de recourir à son imaginaire propre : la Cité de l’Architecture et du Patrimoine devrait faire rêver.

Jean-François BODIN
Architecte

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