Édito

Où se cache la ville ?

L‘histoire de la ville s’est-elle arrêtée en même temps que l’histoire de l’architecture moderne, comme l’annonce Ch. Jenks en 1977, lorsque les bâtiments de l’opération de logements sociaux de Pruitt-Igoe implosèrent ? Cet acte, sa médiatisation et la cruauté de la sentence ont marqué de nombreux architectes en France, cristallisant le malaise face au constat de l’incapacité des sphères publique et professionnelle à endiguer de façon sereine les problèmes que posait le développement inorganisé des villes. Les architectes et les urbanistes ont toujours voulu ordonner et limiter la ville, que la finalité soit d’ordre purement esthétique ou réponde à l’expression d’un pouvoir. Il était alors simple d’en comprendre et d’en définir la morphologie. Cependant en évoluant et en se diversifiant au cours de l’histoire, la fonction urbaine a épuisé cette capacité à être organisée, ordonnée et limitée de façon simple et rigoureuse. Les mêmes architectes et urbanistes ont alors progressivement analysé et accepté que la ville pouvait être faite de stratifications, collages, accumulations sans toujours d’autre logique de composition que l’auto-fabrication d’éléments plus ou moins juxtaposés au gré des opportunités et des usages.

Les calendriers des enjeux économiques et politiques ne correspondent plus au temps de maturation d’une expérience urbaine. Ces enjeux ont pris le dessus favorisant une forme d’anarchie de l’urbain où se côtoient les grandes ensemble, l’étalement urbain et la désertion des centres anciens. Nous payons maintenant cher pour avoir hypothéqué à la fois
notre espace et la fonction sociale de la ville. La question émergente du développement durable, considérée de façon très globale, a accéléré la prise de conscience collective des méfaits des politiques d’urbanisme récentes où de leur absence. Le pari du “Grand Paris” l’atteste, mais son aura éclipse d’autres expériences en cours, plus modestes et locales certes, cherchant en revanche des solutions dans le rapiécage, le recyclage et la mise en synergie d’éléments existants et c’est là toute leur intérêt.

Ce numéro de La Pierre d’Angle propose d’explorer la ville d’une manière insolite de façon à approfondir certaines voies d’analyse ou d’intervention, de découvrir de nouvelles entrées ou encore de proposer la relecture de traces devenues invisibles.

Philippe CIEREN
Rédacteur en chef

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