Qualité architecturale, urbaine et paysagère dans le contexte de la densification

La création de logements en France est une priorité, c’est une urgence dans les zones tendues. Des projets sur mesure à l’étude.

Les enjeux du développement durable ont mis fortement l’accent sur deux pratiques constitutives des villes existantes écartées par le mouvement moderne : la reconstruction de la ville sur la ville et la maîtrise du développement du périurbain ; ces deux pratiques ont pour corollaire la densification des tissus urbains et périurbains. Cependant, cet encouragement à la densification comme remède à l’étalement interroge nécessairement sur les lieux, la forme et l’acceptation de cette dernière. Certains lieux, comme les centres anciens, semblent a priori naturellement plus propices à la densification. Cependant, dans une logique de développement durable, la densification doit aussi tirer parti de “l’artificialisation” existante des sols, généreusement produite par les politiques d’aménagement du territoire au XXe siècle : il est important de s’inscrire dans un projet global et non de profiter uniquement des opportunités foncières, que ce soit dans un contexte pavillonnaire, sur les franges périurbaines ou les délaissés d’infrastructures. Enfin, la densification peut être envisagée par la revitalisation de bâtis ou de tissus existants délaissés, en permettant à la population de les réinvestir.

Les outils législatifs permettent d’agir sur les lieux potentiels de la densification sur l’ensemble du territoire, en tenant compte des caractéristiques ou des spécificités de ces derniers, comme les zones tendues ou les espaces protégés. C’est pourquoi la problématique de la densification demande une adaptation continue des outils et des méthodes des collectivités pour contrôler son évolution. Dans ce contexte, l’équipe LIN, sous la commande du ministère de la Culture et de la Communication, a cherché à donner à voir des pratiques exemplaires de densification en France. L’étude finalisée en juillet dernier est un guide pratique à l’usage des élus et des acteurs de la densification qui devrait pouvoir accompagner la poursuite d’une politique de construction volontariste et qualitative. Une Fabrique de la Ville et L’agence LIN, aux côtés de ses consultants, Kaye Geipel, théoricien de l’architecture, Joseph Hanimann, philosophe et Michael Kleyer, écologue, ont ainsi travaillé à préciser la définition d’une opération de densification de qualité. Car, s’il est urgent de renouveler massivement l’offre de logement en France, une approche strictement quantitative risquerait de réitérer des erreurs des expériences passées.

L’étude repose sur un corpus de vingt-quatre opérations classées selon sept thématiques1 , qui font du “lieu” un enjeu principal et une première entrée d’analyse. Ces opérations sont situées dans des collectivités aux dimensions et aux cultures de l’aménagement différentes. Les projets traitent une diversité d’échelles et de processus : opérations immobilières, opérations d’aménagement ou opérations de particuliers. Cette sélection est représentative des modes de production actuelles de logements engageant la maîtrise d’ouvrage : villes et aménageurs, bailleurs sociaux, promoteurs privés et particuliers. En raison de son caractère souvent innovant, le logement social y est dominant. Une grande partie des réalisations s’inscrit dans un projet plus global d’aménagement. Neuf des opérations du corpus sont soumises à une analyse plus approfondie, occasion pour chacun des cas de mettre en exergue des thématiques transversales. La question du lieu est essentielle. Le rapport de densité avant/après est mis au regard des critères suivants :

  • Quelle accessibilité aux grands équipements, aux services, aux commerces ?
  • Quel accès à la mobilité ?
  • Quelle proximité aux grands paysages, synonyme de nature-loisir comme de production alimentaire ou d’énergie ?

L’étude essaie d’autre part de montrer l’importance du processus, nécessitant un temps long, autour duquel se répartissent les enjeux de qualité. En effet, l’objectif de densification, par sa complexité, appelle une approche globale et systémique. Un projet pourrait être considéré de qualité lorsque la somme complexe des contraintes qui le détermine est intégrée. Cela implique donc une responsabilité partagée sur le temps long du projet (de l’amont à l’usage). Le processus de projet est mis au cœur de l’analyse, comme explication majeure de la qualité de ces opérations. Ce temps long est retranscrit selon trois grandes étapes qui structurent la synthèse de l’étude :

  • Les conditions à l’acceptation de la densification.
  • L’élaboration de projet dans la densification.
  • La bonne gestion de la densité comme de la réussite du projet de densification.

Les résultats obtenus par les acteurs impliqués sont donc appréciés au regard des moyens engagés (matériels et humains) et du résultat architectural, urbain et paysager. En conclusion, la détermination du lieu fait partie de l’amont du projet et nous semble décisive dans la création de qualité. Cette détermination des lieux de densification intègre un raisonnement global qui comprend la prise en compte des qualités intrinsèques de l’existant. Se soucier de l’existant engage, d’une part, à un changement de regard (pratiques, politiques, etc.) et incite, d’autre part, à évaluer, pour chaque lieu, l’approche sur mesure. À titre d’exemple, si la mobilité est donnée comme levier de développement urbain et de projet de densification, la détermination des périmètres d’intervention se juge aussi par l’analyse préalable des qualités de l’existant et le périmètre varie selon les territoires. Cette démarche, est, par exemple, engagée par la CUB. La réhabilitation de l’îlot B2 à Bègles2 illustre l’importance du cadre opérationnel (ORU et CUB et objectif des cinquante mille logements). Dans d’autres contextes, la détermination des périmètres d’intervention peut donc prendre des formes différentes, c’est le cas, par exemple, des pôles intenses3 qui admettent l’existence d’une double condition pour une nouvelle perception de l’urbanité.

Lou BELLEGARDE et Fabienne BOUDON
Architectes urbanistes, agence LIN.

  1. Surélévation, Réhabilitation, Délaissés d’infrastructure, Franges périurbaines, Contexte pavillonnaire, Centre ancien, Grands ensembles.
  2. Opération du corpus et de l’approfondissement - réhabilitation de cinquante logements, îlot B2, Cités Farges, Bègles, MOE King Kong, MOA SAEMCIB, livraison 2011.
  3. Un des éléments de la vision portée par le CDT Est Seine-Saint-Denis qui comprend quatre thématiques interdépendantes : pôle intense, micro-centralité, mobilité graduée, arc paysager.
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