La loi n° 2002-590 du 2 juillet 2003 « Urbanisme et Habitat »

La loi n° 2002-590 du 2 juillet 2003 « Urbanisme et Habitat » opère quelques réglages sur les dispositions et sur les modalités d’application de la loi « Solidarité et renouvellement urbains » du 13 décembre 2000. Initialement, le projet de loi déposé par le gouvernement ne présentait que des objectifs limités, déclinés en quinze articles.

C’était sans compter sur la discussion parlementaire qui fit évoluer le texte. In fine, lors de son adoption, la loi comptabilisait quantre-vingt-dix-huit articles, et occupait seize pages du Journal officiel. Cette loi énonce quelques dispositions affectant directement la gestion du patrimoine architectural ou susceptibles de traduire des enjeux patrimoniaux.

La carte communale et le plan de sauvegarde et de mise en valeur

La carte communale et le plan de sauvegarde et de mise en valeur des secteurs sauvegardés connaissent une évolution marquée.

Le statut de document d’urbanisme de la carte communale est renforcé. La loi SRU en avait déjà fait un document de planification à part entière. La loi du 2 juillet 2003 en complète les effets en offrant aux conseils municipaux la possibilité d’instituer un droit de préemption en vue de la réalisation d’un équipement ou d’une opération d’aménagement à l’intérieur d’un ou de plusieurs périmètres spécifiques délimités à cette fin par la carte. Cette innovation fait de la carte communale une véritable alternative aux PLU, pour certaines communes. Du point de vue de la procédure d’élaboration, le processus de co-décision, partagée avec l’État, pour l’approbation de la carte communale est atténué. La carte communale devient exécutoire si le préfet ne s’est pas manifesté dans un délai de deux mois suivant sa transmission.

Dans ce délai, le préfet conserve le pouvoir de l’approuver ou d’en refuser l’approbation de manière explicite. Précédemment, le silence du préfet pendant un délai de quatre mois valait refus d’approbation. La loi du 2 juillet 2003 renverse donc ce principe comme elle inverse le principe de transfert de compétences en matière de délivrance des permis de construire.

Désormais, l’approbation de la carte communale ne confère cette compétence au maire que si le
conseil municipal a expressément délibéré en ce sens.

Le régime des plans de sauvegarde et de mise en valeur a été également modifié, ou plutôt
toiletté. Une mesure de clarification et deux de simplification sont à l’actif de la loi du 2 juillet 2003. Le projet d’aménagement et de développement durable, dont la rédaction de l’article L 313-1 laissait supposer qu’il entrait dans les documents composant le plan de sauvegarde, disparaît.

La nouvelle rédaction de cet article, issue de l’article 45 de la loi du 2 juillet 2003, lève cette incertitude. Cette clarification pouvait paraître d’autant plus nécessaire que le
PADD ne concernait, dans les secteurs sauvegardés, qu’une partie du territoire communal et que sa signification, dans ces espaces patrimoniaux, diffère sensiblement de celle qu’il présente dans les autres secteurs de la commune couverts par un PLU.

Au titre des mesures de simplification, il convient de signaler l’introduction d’une procédure de modification qui permettra de faire évoluer, sur des enjeux mineurs, le PSMV sans devoir mettre en œuvre la procédure, relativement lourde, de la révision. Enfin, un nouvel article L 313-2-1 du code de l’urbanisme permet d’éviter une double saisine de l’architecte des bâtiments de France lorsque les travaux concernent des immeubles en abords de monuments historiques inclus dans le secteur sauvegardé. Seules les règles énoncées par le PSMV s’appliquent.

La servitude découlant d’un site inscrit est également suspendu dans le périmètre du secteur sauvegardé et ne donne donc pas lieu, à ce titre, à une consultation de l’ABF.

La loi montagne

Parmi les modifications apportées aux dispositions de la loi montagne, il peut être relevé la clarification entre les chalets d’alpage et les bâtiments d’estive, désormais soumis aux mêmes règles.

Parmi celles-ci figure dorénavant la faculté de délivrer, pour la restauration de ces éléments du patrimoine montagnard, des permis de construire pour utilisation temporaire. En effet, l’autorité compétente peut subordonner la réalisation des travaux, faisant l’objet du permis de construire ou de la déclaration de travaux, à l’institution d’une servitude administrative, publiée au bureau des hypothèques, interdisant l’utilisation ou limitant l’usage du bâtiment en période hivernale, pour tenir compte de l’absence de réseaux.

De la reconstruction après sinistre à la restauration des ruines

Concernant les règles générales d’urbanisme, les développements de l’article L 111-3 du code de l’urbanisme peuvent présenter, du point de vue de la gestion des espaces patrimoniaux, une certaine acuité. Au départ, cet article visait la reconstruction après sinistre.

Les tempêtes de décembre 1999 avaient conduit le législateur, dans la loi SRU, à inverser la règle en posant un principe de possibilité de reconstruction après sinistre sauf à
ce que le document d’urbanisme —PLU ou carte communale— identifie des secteurs où cette reconstruction serait expressément interdite. La loi du 2 juillet 2003 complète cet article par un second alinéa qui prévoit la possibilité de restauration d’un bâtiment dont il reste l’essentiel des murs porteurs lorsque son intérêt architectural ou patrimonial en justifie le maintien et sous réserve de respecter les principales caractéristiques de ce bâtiment.

Cette nouvelle disposition ne concerne donc plus la restauration d’un patrimoine sinistré ; elle vise la restauration d’un bâtiment ancien ruiné. Certes, la restauration ne peut être autorisée que si l’intérêt architectural ou patrimonial justifie le maintien de l’édifice. Mais l’appréciation de cet intérêt, qui revient à l’autorité compétente pour délivrer
l’autorisation d’urbanisme, risque d’être délicate pour des constructions dont la loi prévoit qu’il ne puisse plus subsister que « l’essentiel des murs porteurs ».

La constructibilité limitée

La règle de constructibilité limitée, posée par l’article L 111-1-2 du code de l’urbanisme pour les communes non dotées d’un document d’urbanisme opposable, ne pourra constituer un frein à cette forme particulière d’urbanisation puisque la loi du 2 juillet 2003 a
introduit, dans la rédaction des exceptions à cette règle, le changement de destination en complément de l’adaptation, du changement de destination, de la réfection ou de l’extension des constructions existantes.

Les autorisations d’urbanisme

Le régime d’implantation des éoliennes est désormais codifié sous un nouvel article L 421-1-1 du code de l’urbanisme et articulé avec les articles L 553-1 à L 553-4 du code de l’environnement. Ces dispositions reprennent et développent, en l’abrogeant, l’article 59 de la loi du 3 janvier 2003 relative aux marchés de gaz et d’électricité et au service
public de l’énergie.

Le permis de démolir

Concernant les autorisations d’urbanisme, la loi du 2 juillet 2003 prévoit, en outre, une nouvelle possibilité d’application du régime du permis de démolir. Jusqu’alors le permis de démolir n’était exigé, en dehors des espaces patrimoniaux protégés, que dans les communes dotées d’un PLU, à l’intérieur des secteurs délimités à cette fin. Désormais, les communes qui ne sont pas dotées d’un plan local d’urbanisme ou d’un plan d’occupation des sols approuvé, peuvent instituer des périmètres délimités par délibération du conseil municipal, où le permis de démolir sera exigé. Cette disposition est susceptible de donner aux communes rurales un instrument pour lutter contre la disparition de leur patrimoine non-protégé.

Le paysage

Enfin, la loi du 2 juillet 2003 renforce le dispositif de protection des éléments du paysage en complétant l’article L 442-2 par un second alinéa qui étend aux communes non dotées d’un document d’urbanisme, le régime de protection des paysages.

Ainsi, dans ces communes, les travaux non soumis à un régime d’autorisation préalable et ayant pour effet de détruire un élément de paysage à protéger et à mettre en valeur, identifié par une délibération du conseil municipal, prise après enquête publique, sont soumis à l’obtention d’une autorisation d’installation et de travaux divers. Qu’il s’agisse du patrimoine rural ou de la protection des paysages, la loi du 2 juillet 2003 offre donc aux communes rurales, non dotées d’un PLU, des possibilités de développer des politiques de sauvegarde de leurs caractères patrimoniaux.

Une telle perspective peut en outre être combinée avec l’approbation d’une carte communale, sans que la responsabilité de la commune en soit accrue puisque que, sauf disposition contraire expresse, elle n’emporte plus transfert de compétences sur la délivrance des autorisations d’urbanisme.

Vincent NÉGRI
Chercheur associé à l’Institut de Droit de l’Environnement (Université Lyon 3)