L’architecture en Europe : unité ou diversité ?

Le palais royal de Caserta, dans la province de Naples. © Carole Fouque.
Le palais royal de Caserta, dans la province de Naples. © Carole Fouque.

L’architecture modèle notre vie et notre cadre de vie. Elle demeure le reflet de notre civilisation.

L’histoire et l’architecture en Europe

Le site mégalithique de Stonehenge. © Carole Fouque.

Dès la préhistoire, les hommes de Stonehenge, de Carnak, de Filitosa, montraient une stupéfiante unité de pensée et d’organisation dans la réalisation de leurs monuments.
On peine à comprendre comment le « Monde romain » a profité des civilisations qui l’ont précédé, mais on ne peut que constater l’impressionnante unité de l’architecture imposée par les légions romaines, de Trèves à Bath, à Merida, à Taormine.

Les bains romains de Bath, redécouverts au XIXe siècle et intégrés à la ville classique.© Sidonie Gaucher.

Cependant les civilisations ont une naissance, une vie et une mort. La force de l’architecture romaine demeure et reste vivante après vingt siècles.
Même les « siècles obscurs » ( les grandes invasions) n’ont pas réussi à faire oublier l’architecture de Rome : le Moyen-Âge trouvera une partie de son inspiration dans son héritage romain : le pillage des monuments sera une source majeure des constructeurs de cette période.
Le catholicisme est alors omniprésent et dicte l’architecture de ses cathédrales et de ses monastères à travers toute l’Europe, de l’Espagne aux marches de l’Est.
Cependant, chaque région, parfois chaque vallée, a interprété la croisée d’ogive suivant son inspiration. Nous avons hérité ainsi d’un panel varié d’églises, d’abbayes, voire d’édifices publics laïcs.
Mais c’est peut-être le classicisme qui a donné le plus d’unité à l’architecture européenne.

Gravue de Buckingham Palace par J.Woods d’après Hablot Browne & R.Garland (1837). Source: Wikimedia Commons.

Aux XVIIe et XVIIIe siècles, le développement de la conscience nationale et l’absolutisme suscitent la construction de palais imposants, souvent inspirés par le Louvre ou Versailles. On les trouve à Londres (Buckingham), Naples ( Caserte), à Vienne, à Madrid (Escurial et Palais Royal) (et bientôt à Berlin, quand le château des Hohenzollern aura fini d’être reconstruit.)
La sévérité de la religion réformée a été suivie d’un schisme dans l’architecture. Au dépouillement volontaire des temples de la nouvelle religion, répond à travers toute l’Europe, l’exubérance baroque de la contre-réforme ; partout les églises, à Rome, à Turin, à Munich, à Birnau, à Venise, à Raguse, à Noto (Sicile) développent leurs formes généreuses.
Les abbayes sont peut-être encore plus riches. Qu’on en juge, elles ont nom, en Suisse Saint Gall, en Allemagne Metten, Weltenburg, en Autriche Melk. Les palais ne sont pas en reste, à Dresde encore, à Wurzbourg, à Turin et jusqu’à Timisoara (Roumanie).
La liste pourrait se poursuivre longtemps, chaque région adaptant l’art baroque à sa manière.
Le XIXe siècle finissant verra l’apparition rapide du Néo-classicisme, de Ledoux à Schinkel, de la Porte de Brandebourg aux palais de Berlin, de Bruxelles et de Saint Petersbourg (Pavlovsk). Après l’éclectisme universellement développé au XIXe siècle (qui fonde encore le cœur de la plupart des capitales européennes), quelques novateurs firent « Sécession », à Vienne d’abord, puis à Budapest, à Berlin et bientôt dans toute l’Europe, chaque pays apportant sa spécificité.

Autriche, Vienne, Palais de la Sécession. © Thomas Steiner. Source: Wikipedia.

Quelle architecture en Europe ?
Si l’on quitte l’approche historique pour l’aspect descriptif ou utilitaire, on retrouve une indéniable unité architecturale de l’Europe. Observons les plans des villes neuves, le cardo et le decumanus romain se retrouvent partout, de Barcelone à Split, à Montpazier, à Aigues-mortes, à Vitry-le-François et la rue Saint-Jacques à Paris.

Lutèce conquise par les François sur les Romains ou second plan de la ville de Paris : tiré du misopogone de l’empereur Julien, d’Amian Marcellin, de Grégoire de Tours, de Boete, de l’Abbé Suger, des Anciens titres, du Trésor des Chartres, des archives de St Magloire, de St Eloy, du Temple et des Vestiges de cette ancienne enceinte qui subsiste encore aujourd’huy ou que l’on a vu de nos jours / par M.L.C.D.L.M. ; A. Coquart delineavit et sculpsit. Source: BNF Gallica.
Vue intérieure de la chapelle palatine d’Aix-la-Chapelle. © Velvet. Source: Wikimedia Commons.

Il faudra attendre Louis XIV pour qu’une motivation politique- reprise par Pierre Ier à Saint- Petersbourg- bouleverse le schéma quadrangulaire romain. Par la suite, Vauban fera dominer les nécessités militaires (à Neuf Brisach, à Rocroi, à Phalsbourg).
Si l’on examine maintenant les plans d’édifices majeurs, on retrouve des caractères communs de l’architecture européenne. L’unité est fortement marquée par l’influence du catholicisme, religion majoritaire en Europe. On observe ainsi une large majorité d’églises édifiées d’après le plan basilical, mais aussi des églises centrées, suivant le modèle du Saint Sépulcre de Jérusalem, comme la rotonde d’Aix la Chapelle, le Tempietto de Bramante, les églises rondes de Montmorillon, de Neuvy -Saint –Sépulcre.
Ce rapide aperçu de l’architecture en Europe nous rappelle que les frontières telles que nous les connaissons n’étaient nullement étanches jusqu’au début du XXe siècle et qu’elles ont toujours été franchies par les idées et les arts.
L’Europe de l’architecture, l’Europe des Architectes existent. Je les ai rencontrées.