Fécamp musée des Terre-Neuvas en ZPPAUP

C’est face au Grand Quai, îlot naturel qui sépare le port de la «retenue», premier bassin à flot aménagé par les moines de l’abbaye de la Trinité, que Victor Hugo contemplait la ville.

Lettre de Victor Hugo à Adèle
« J’avais oublié de te dire qu’à Fécamp j’avais vu la pleine mer par la pleine lune. Magnifique spectacle. Il y avait un navire norvégien qui sortait du port avec ces chants de matelots qui ressemblent à des plaintes. Derrière moi la ville et son clocher entre deux collines, devant moi le ciel et la mer perdus et mêlés dans un clair de lune immense, à droite, le fanal du port à lumière fixe, à gauche les grands blocs d’ombre d’une falaise écroulée. J’étais sur un échafaudage du môle qui tremblait à chaque coup de lame. »

Le cœur historique du port, premier quai aménagé et seule liaison entre les rives nord et sud de la vallée, voit au fil des siècles se succéder les aménagements qui ont permis à Fécamp d’acquérir sa réputation de port de pêche harenguier et morutier. La création des bassins arrière au XIXe siècle conforte sa position stratégique, avec l’implantation de chantiers navals, l’amarrage des harenguiers, le siège de la douane et de la bourse au poisson. Après la destruction par les Allemands, en 1944, des passerelles le reliant aux deux rives, seule celle du sud sera reconstruite. Le Grand Quai perd sa fonction de lien physique entre le centre et le quartier nord pour trouver une vocation industrielle, avec l’installation de la boucane Prentout, d’un atelier de réparation navale et de la sécherie la Morue normande, futur musée des Pêcheries, cité des Terre-Neuvas.

Une mutation patrimoniale

Avec le déclin de l’activité de la pêche industrielle dans les années 1970, le Grand Quai vit une période d’abandon. Désaffecté en 1982, le bâtiment des pêcheries échappe à la destruction, il est acquis en 2001 par l’Établissement public de la Basse-Seine et rétrocédé à la ville.

Le début des années 2000 voit la renaissance du Grand Quai, devenant un lieu de tourisme patrimonial à la faveur d’initiatives festives: fête du hareng, accostage de vieux gréements ou animation dans la Boucane Prentout, gérée par une association. C’est l’époque de la prise de conscience de l’intérêt patrimonial de la ville et du développement du tourisme urbain, suscités, entre autres, par l’étude de la Zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager et les grands projets d’aménagement engagés par la commune. L’implantation de la nouvelle gare maritime et la reconstruction de la passerelle recréant la liaison du quai avec la rive nord recentrent le futur musée sur le parcours touristique piéton et au cœur des activités de pêche subsistantes. Le vaste bâtiment des pêcheries, conçu en 1950 par l’architecte André Amayon, concilie la modernité de la structure béton et des verrières avec le régionalisme ambiant, traduit par la couverture de tuiles plates.

Il représente aujourd’hui un témoin essentiel de l’histoire de la pêche à Fécamp, le lieu idéal du regroupement des deux musées de la ville, celui des Terre-Neuvas et de la pêche et celui des Arts de l’enfance. La fonction industrielle du lieu constitue le fil conducteur du parcours muséographique, en évoquant son rôle économique et la vie des ouvriers du poisson. Ainsi, certaines installations, comme les fours ou le bureau de l’armateur, sont conservées et présentées.

Un signal dans la ville

Le projet scientifique et culturel se décline au travers de cinq séquences thématiques :

  • Fécamp, capitale de pêche ;
  • Fécamp, rendez-vous des artistes ;
  • Fécamp, berceau de la puériculture moderne ;
  • histoire et sociabilité à Fécamp au cours des siècles ;
  • ethnographie cauchoise.

Le musée sera doté d’un centre de documentation, de bornes interactives, d’ateliers pédagogiques, d’une librairie, d’un auditorium et d’un espace d’expositions temporaires. Le concours d’architectes, organisé en 2006, a été remporté par l’agence Basalt Architecture et Die Werft muséographes. Le projet porte sur la réhabilitation du bâtiment existant et la réalisation d’une extension, boîte vitrée posée, comme le souligne l’architecte, « entre le bâtiment et le ciel, première étape du parcours muséographique et signal d’appel clairement identifiable depuis la ville et les coteaux environnants ». Ce signal marque l’entrée principale du musée, face à la ville. On y accède par un ascenseur panoramique, inscrit dans un vaste volume central évidé, donnant à voir, en amont de la visite, les cinq plateaux. Basalt Architecture a privilégié un parcours vertical, du haut vers le bas, favorisant en permanence les vues sur l’extérieur, conférant ainsi à ce lieu un petit air de paquebot de croisière.

Aujourd’hui, le chantier bat son plein pour une livraison fin 2011. Fécamp écrit une nouvelle page de sa longue tradition muséographique, initiée en 1880 avec la création du musée de Peinture et d’Objets d’art, dont Charles Hue, premier conservateur, déclarait avec emphase: « Oui, l’œuvre vivra parce qu’elle réalise une pensée utile, généreuse, élevée, et qu’elle ne vise qu’un but : Le Progrès intellectuel et moral. »

Élisabeth BLANC
Architecte urbaniste

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