Édito

Les jardins classés du château de Losse à Montignac (29). Source Wikimedia.
Les jardins classés du château de Losse à Montignac (29). Source Wikimedia.

Genius loci ?

Il y a quarante ans naissait la charte de Florence qui établissait les grands principes de restauration des jardins historiques en intégrant toute la difficulté de restaurer ou restituer de la matière vivante qui, par essence, se transforme, évolue et meurt. Si ce beau texte abordait ces questions en prenant en compte les valeurs paysagères, culturelles et symboliques comme éléments fondateurs de la valeur historique d’un jardin, l’enjeu écologique, tel qu’il se pose aujourd’hui, n’était pas connu ou, tout au moins, pas à la hauteur de ce qu’il est aujourd’hui.

Les jardins du château de Villandry ou comment au début du XXe siècle, Joachim Carvallo réinterprète un jardin renaissance, notamment sur la base de dessin d’Androuet du Cerceau. Ce processus de conception fait à ce titre de Villandry un jardin historique. © C. Fouque.

Parmi les “objets” patrimoniaux les jardins historiques sont bien ceux qui sont le plus impactés par l’évolution du climat et le réchauffement général de la planète qui en est une des principales conséquences. Nous sommes incapables aujourd’hui d’en anticiper précisément l’ampleur et ce nouveau paramètre est à rajouter à la complexité de l’équation initiale de la préservation d’un espace historique. Tous les acteurs intervenant dans le domaine vont devoir réinventer leurs manières de concevoir, réaliser et entretenir des compositions anciennes dont il faudra préserver l’âme et l’esprit, en intégrant ces nouveaux paramètres.

On peut facilement imaginer que la prise en compte d’essences différentes adaptées aux nouvelles conditions, la lutte contre de nouveaux parasites et une gestion de l’eau plus économe, pour ne prendre que ces trois paramètres, auront, de toute évidence, une incidence sur l’aspect futur de ce patrimoine. Si pour ces raisons on est contraint de s’éloigner d’une reproduction au plus près de l’aspect visuel original d’un jardin, qu’on aura pu établir par les recherches, il conviendra, d’une part, de fixer la marge que l’on se donne et, d’autre part, de renouveler l’équation qui détermine l’authenticité d’un lieu, en donnant moins d’importance au maintien de l’aspect esthétique.

Somme toute, la question est simple à poser : comment, dans un environnement qui ne permettra plus de reproduire l’aspect d’un jardin qu’on a établi comme état de référence préserver le dessein du créateur et le génie des lieux…

Photo de couverture : Plan du jardin et château de la Reine, Versailles, France (1770-1795). Source: Wikipedia

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