La coopération transfrontalière en Europe : le rôle de la Commission européenne

Les débuts de coopération transfrontalière

La coopération transfrontalière est apparue en Europe au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale ; il s’agissait alors dans l’esprit de ses initiateurs de participer à l’effort de réconciliation, grâce à des actions dans des domaines socioculturels. Cette coopération a impliqué la France, l’Allemagne et les pays du Benelux en particulier. Le travail des Eurorégions et de l’Association des régions frontalières européennes a élargi le champ de cette coopération pendant les années 1970 et 1980. À partir de 1989, la Commission européenne a reconnu et encouragé de telles actions et c’est en 1990 que ce soutien s’est concrétisé avec la création de l’initiative Interreg I (1990-1994), qui constitua un nouveau cadre de référence pour la coopération transfrontalière en Europe. Actuellement, pour la période de programmation 1994-1999, le volet A de l’initiative Interreg II, l’une des treize initiatives, entièrement consacré à la coopération transfrontalière, couvre cinquante-neuf programmes avec un budget de 2,6 milliards d’euros.

Renforcer ou créer des liens

Ces programmes de coopération ont, essentiellement, pour but de développer les régions transfrontalières et de créer de forts liens entre elles. Ils sont mis en œuvre dans de nombreuses régions et visent différents secteurs, qualifiés éligibles, comme ceux de l’Aménagement du territoire ou de la Culture.

Avec le Marché unique, les frontières en Europe occidentale devaient être entièrement transcendées. En réalité, dans les régions frontalières, se superposent l’enthousiasme européen et le sens des réalités empreint des expériences pratiques du passé ; en effet, malgré les progrès du processus d’unification européenne, toutes les régions souffrent encore des conséquences historiques de la présence des frontières et, par là, d’une situation “périphérique”. Interreg soutient des programmes transfrontaliers visant à traiter les problèmes de développement, découlant précisément de la situation périphérique des régions frontalières, par rapport à l’espace national et à promouvoir la coopération. Le long des frontières extérieures, l’objectif consiste, également, à favoriser l’adaptation des régions frontalières à leur nouvelle situation et à soutenir leur préparation dans la perspective d’une adhésion future des pays voisins de l’Union européenne. Au sein de cette initiative de nombreux cadres d’intervention ont été retenus. On trouve parmi ces mesures éligibles des secteurs aussi divers que la coopération dans le domaine universitaire, l’amélioration des cadres de transports, la formation et l’emploi, mais aussi, depuis 1994, la coopération dans le domaine de la culture, de la formation et de l’art ou dans le domaine de la planification spatiale et du développement des systèmes de villes.

Des exemples significatifs

Il est difficile de choisir parmi le très grand nombre d’exemples de coopération dans des secteurs et des régions aussi variés. Toutefois, il semble que certains domaines soient particulièrement révélateurs des efforts de coopération auxquels des architectes participent. C’est le cas de l’aménagement du territoire dans la zone de « l’Eurorégion Rhin-Meuse-Nord », où un schéma de « développement de l’urbanisation et des espaces ouverts » a été mis en œuvre. Dans un espace avec un peuplement aussi dense que cette Eurorégion, il était nécessaire de disposer d’une planification guidant le développement de l’urbanisation.

Cette tâche comprend : le classement d’un nombre limité de zones à bâtir, la définition des limites d’urbanisation et le classement des zones-tampons régionales et des sites naturels et paysagers protégés. Ce schéma s’inscrit dans le prolongement de la structure existante des zones bâties et élabore une structure d’urbanisation cohérente comprenant des zones-tampons et une zone de développement touristique.

La coopération touristique et culturelle dans la région de Kvarken (Finlande) constitue également un exemple intéressant dans la mesure où sont organisés des voyages d’études historiques (vestiges de l’âge de pierre, cités religieuses, monuments de l’époque industrielle). Ces voyages ainsi que d’autres actions ont pour but de soutenir le développement du tourisme et l’extension des activités culturelles. Cette coopération fait partie intégrante de la politique culturelle communautaire qui s’est renforcée par étapes successives dès 1977, date où l’idée selon laquelle la politique culturelle n’était pas un domaine réservé des États membres a été acceptée.

Enfin, dans le domaine des transports et des infrastructures d’importants efforts sont à noter mais l’essentiel doit se construire dans l’avenir.

Une démarche pour l’avenir

L’expérience montre que des étapes significatives ont été franchies vers la programmation transfrontalière et la gestion commune de programmes dans de nombreuses régions transfrontalières, sinon dans la plupart d’entre elles. Toutefois, le type de coopération étroite qui se réalise par exemple dans les « Eurorégions », c’est à dire la création des structures communes qui couvrent les deux côtés de la frontière, constitue souvent l’exception plutôt que la règle.

Bien qu’une grande part de l’activité de développement ait eu lieu dans les zones frontalières et leur ait apporté des bénéfices directs, il s’est avéré généralement beaucoup plus difficile d’établir une véritable activité transfrontalière conjointe.

Dans le contexte de la nouvelle période de programmation, dont les orientations sont en cours d’élaboration, la coopération transfrontalière demeurera un volet très important, aux côtés de la coopération interrégionale et transnationale de l’initiative Interreg III, une des quatre initiatives pour 2000-2006 avec Equal, Leader+ et Urban. La Commission a décidé, dans ce cadre, afin d’éviter les écueils du passé, d’encourager les États membres à créer ou renforcer des organismes ou groupes communs existant au niveau transfrontalier en vue d’assurer une mise en œuvre commune des programmes, de la phase d’élaboration à l’évaluation et à l’approbation des projets. Il a également été décidé que l’accent serait mis sur la coopération interurbaine, ce qui ouvrira peut-être une plus grande voie aux projets communs dans le domaine de l’architecture.

Moray GILLAND et Annabelle FARNÈ
Commission européenne, DG XVI

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