Un rocher colossal

Le parc zoologique de Paris, créé à l’issue de l’exposition coloniale de 1931 et réalisé par l’architecte Charles Letrosne et son fils Daniel, est conçu comme un décor de théâtre. Le grand rocher des animaux de montagne culmine à soixante-neuf mètres et marque, comme les deux autres rochers, l’une des entrées du parc. Il joue également une fonction de belvédère et de chateau d’eau. Dans cette réalisation, inspirée du parc zoologique d’Hambourg, les architectes ont cherché à recréer artificiellement le milieu d’origine des animaux tout en le dotant d’un caractère fonctionnel.

Maître d’ouvrage : Museum national d’histoire naturelle
Architectes : Atelier de l’ILE, Dominique Brard, Olivier Le Bras, Marc Quelen
Bureau d’études : Sofresid, Séchaud et Bossuyt
Surface au sol : 5 000 m2 - Coût : 63 MF

Un rocher dans la capitale

Les installations terminées en 1934 et partiellement rénovées en 1959, 1967 et 1974 ont vieilli et la dégradation du grand rocher exigeait des travaux d’ampleur. Un concours fut lancé en 1991. Le parti retenu est basé sur une reconstitution à l’identique, adaptée cependant aux nouvelles exigences d’un public de l’an 2000. Il rejoint le souci initial de l’architecte en visant une plus grande fonctionnalité des aménagements et une amélioration du circuit de visite.

Le grand rocher, constitué d’une ossature en béton armé supportant un treillis métallique recouvert sur ses deux faces d’un béton teinté à l’oxyde de fer, résiste aux vents grâce au maillage serrré des poteaux et des fermes entrecroisées. La circulation intérieure, comprenant passages souterrains, escaliers, un ascenseur permet d’accéder aux belvédères, de surplomber la volière et la ménagerie afin d’observer les animaux.

Le grand rocher conserve sa volumétrie mais fait peau neuve. Les innovations techniques de Charles Letrosne sont mises en valeur, notamment la trame géométrique de la structure (poteaux espacés de cinq mètres et chaînés à six mètres de haut par un réseau de poutres en béton armé), le pivot central de l’escalier attenant aux deux réservoirs d’eau pure de mille trois cents m3 et huit cents m3 et retenant en son noyau l’ascenseur.

La coque reposant sur des fermes en béton armé simule l’aspect de la roche avec ses failles et ses arêtes. Un relevé photogrammétrique très précis a permis de restituer fidèlement les courbes de niveau et de décomposer les points d’appui de la coque d’origine.

C’est ce squelette primitif qui reçoit Le réseau quadrillé d’acier galvanisé sur lequel le béton est projeté.

Faire peau neuve

La difficulté des travaux résidait dans le remplacement total de la coque solidaire de la structure porteuse. Détruire cet auto-équilibre conduisait à prévoir un contreventement provisoire.

Il a été mis en œuvre avec des étais de deux tonnes posés à la verticale par des équipes de cordistes.

La surface du grand rocher couvre plus de treize mille m2. Elle a été restituée par la composition d’un béton spécifique étanche pouvant répondre aux résistances mécaniques et à la porosité.

Le rocher étant situé dans un site classé, son aspect définitif a été soigneusement étudié et la couleur chaude et ocrée qu’il revêt actuellement au-dessus des frondaisons a reçu l’agrément de l’architecte des bâtiments de France qui a également visé le permis de construire déposé.

Un sculpteur a peaufiné l’ensemble.

Le béton de cinq centimètres d’épaisseur reçoit une patine composée de cinq couches de finition qui ont demandé le travail de deux hommes pendant près de neuf mois. Un élastafix transparent sert de fixateur, puis un élastokril de base neutre, avant la superposition, dans l’ordre, de peintures acryliques de couleur rouge, gris et vert. La sous face en revanche ne reçoit qu’une seule couche de finition, le sikatop, mais tous les passages sont traités comme la surface extérieure.

L’ensemble des circulations a été revu pour répondre à la fréquentation du public, et des espaces ont été modifiés pour le confort des animaux. Ainsi, au sud-ouest le plateau des ovins a été agrandi et celui des mammifères au sud surélevé. Un deuxième escalier au nord a été créé pour les caprins.

Le cheminement des visiteurs a été dissocié à la descente et à la montée. L’escalier d’origine a reçu deux volées supplémentaires et un nouvel escalier serpente dans la nef. Il disparaît dans ce volume comparable à celui de la basilique du Sacré-Cœur. Les visiteurs accèdent par un plan incliné à une plateforme circulaire au pied de l’ascenseur. S’ils empruntent le circuit des galeries et escaliers leur ascension est entrecoupée d’espaces pédagogiques. De nouveaux belvédères à l’intérieur de la volière et au-dessus du bassin des loutres ont remplacé les simples postes d’observation.

Cette première tranche de travaux doit être achevée pour l’été 1996 ; elle se monte à soixante-trois millions de francs. Avec cette restauration inédite, le parc zoologique devrait retrouver un public aussi enthousiate que celui de l’exposition coloniale.

Véra PROSZYNSKA
journaliste

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