Nice, ville de villégiature cosmopolite de riviera

Nice, lovée entre la baie des Anges et l’amphithéâtre des collines. © Ville de Nice
Nice, lovée entre la baie des Anges et l’amphithéâtre des collines. © Ville de Nice

La Riviera est initialement définie par les géographes comme un rivage escarpé, une côte où se rencontrent directement la montagne et la mer. Elle désigne au départ des côtes spécifiques (Riviera ligure ou adriatique, dalmate, etc.), puis une définition plus récente lui ajoute des caractéristiques sociales, celles de la villégiature qui caractérise bien souvent ces sites, et la riviera devient un nom commun, sans majuscule mais non sans prestige.

Vue depuis le parc de la colline du Château (ancienne ville haute fortifiée). © Ville de Nice

Nice, le paradoxe d’une villégiature urbaine

Cette villégiature, dont l’étymologie désigne un lieu isolé dédié au repos, hors des villes et du quotidien, a fait naître sur les rivages des stations balnéaires et/ou climatiques, hivernales ou estivales. Parfois dans des villes ayant d’autres fonctions, comme Naples, elle a façonné des quartiers dédiés aux résidences et activités de loisirs. À Nice, paradoxalement, une ville entière est née de l’économie d’accueil des hivernants, qui fut quasi-exclusive du XVIIIe siècle à la fin des années 1930. Cette fonction a même généré au tournant du XXe siècle, une extension urbaine bien plus forte et rapide que celle des grandes villes françaises à la même époque. Le patrimoine de cette époque domine ainsi largement le paysage urbain niçois.

Source : Colin DYER, Université de Queensland, Australie (Recherches régionales n°135, Archives départementales des Alpes-Maritimes.)

La période fondatrice de ce développement urbain exceptionnel, remonte au milieu du XVIIIe siècle. Nice fait alors partie du royaume de Piémont-Sardaigne, qui entretient d’excellentes relations avec le Royaume-Uni pour se protéger de la France. Ces alliés anglo-saxons, militaires, marins, diplomates ou commerciaux, découvrent alors le site et le font connaître dans leur entourage. De plus, l’aristocratie européenne pratique le “Grand Tour”, voyage vers Rome ou Athènes, indispensable à toute éducation humaniste. Pour rejoindre ces sites antiques, ils passent par les Alpes et souvent par la Riviera française et italienne, où certains s’arrêtent parfois longtemps, séduits par le site et le climat. Puis avec le développement de moyens de transport plus rapides et sûrs au milieu du XIXe siècle, ce voyage s’est étendu à une population plus nombreuse. Ainsi, dès que l’intérêt économique de ces séjours fut identifié par les investisseurs, les propriétaires de logements ou de terrains, constructeurs et autorités locales, se mobilisèrent pour attirer et fixer les “étrangers” le plus longtemps possible.

Un paysage urbain cosmopolite exceptionnel

À partir du rattachement de Nice à la France en 1860, la ville est reliée à toutes les grandes villes d’Europe par le chemin de fer et ses trains de luxe. Les investissements se multiplient autant que les visiteurs et arrivent avec eux de nombreux hôteliers suisses, des artisans italiens, des fortunes russes, argentines et brésiliennes, du personnel hôtelier allemand et des architectes du monde entier.

Vue depuis le Mont-Boron (Palais Miramar). © Ville de Nice

L’ensemble urbain né de cette économie de la villégiature est devenu lui-même l’attraction locale, facteur d’attractivité autant que le site et le climat, le pittoresque des habitants et traditions ou que la vie sociale, riche et cosmopolite. C’est ainsi une exceptionnelle collection de promenades urbaines en belvédère, de villas assorties de jardins exotiques, d’hôtels et immeubles locatifs saisonniers (les mêmes immeubles sont souvent conçus pour pouvoir être l’un ou l’autre, selon le succès rencontré), de palaces et de lieux de divertissement. La trame urbaine a été habilement conçue pour valoriser le grand paysage dans l’axe de chaque rue, laisser circuler les brises et entrer la lumière, développer les façades vers le soleil et la mer, tout en multipliant les espaces verts. Chaque période a développé des décors différents, mais le pittoresque italien, l’évocation des atouts du site (la mer, les jardins, la lumière…) et le luxe (marbres et vitraux, incrustations de nacres, miroirs et cristaux, mosaïques, céramiques, fresques, ferronneries et dorures) en sont le fil rouge durant près de deux cents ans.

La Villa Marichu, au cap de Nice. © Ville de Nice.

La mixité sociale et la diversité culturelle liées à la villégiature

Contrairement aux idées reçues, la villégiature, économie d’accueil faisant feu de tout bois, génère une grande mixité sociale et favorise les échanges internationaux et la diversité culturelle. Comme pour toute activité économique, elle vise à toucher le plus grand nombre, quels que soient la nationalité ou le niveau social, et veut mettre à profit chaque logement et chaque activité. Ainsi, ont fleuri les pensions ou les meublés à côté des palaces, les villas d’apparat non loin des pied-à-terre, les cercles privés ou l’opéra tout près des cabarets ou les boutiques de souvenirs jouxtant les commerces de luxe. Et tous se retrouvent sur la Promenade des Anglais ou masqués dans la foule du Carnaval. Des travailleurs et artistes de toutes nationalités se sont rencontrés, parfois se sont mariés, et même les menus des restaurants montrent deux siècles de cohabitation cosmopolite.

L’inscription sur la Liste du patrimoine mondial, vecteur de mobilisation générale

C’est l’ensemble de ce patrimoine niçois, matériel et immatériel, qui a été proposé à l’inscription sur la Liste du patrimoine mondial1 . Ce coup de projecteur formidable, dès le démarrage de la procédure, a permis d’éveiller l’intérêt de tous, citoyens, visiteurs ou professionnels. La procédure est longue, dense et s’y conformer n’est pas toujours facile. Elle est cependant riche de toute l’expérience des sites inscrits depuis 1972 et cela est très enrichissant, nous obligeant à prendre du recul, à identifier précisément les caractéristiques du bien proposé, à le comparer avec d’autres biens similaires dans le monde, ou qui présentent quelques attributs communs.

Le Plan de gestion qui accompagne toute candidature, comprend obligatoirement les outils de protection réglementaires ad hoc (site patrimonial remarquable, règles spécifiques du PLU, inscriptions au titre des monuments historiques, …), mais aussi le partage de la connaissance (études, archives, inventaire et système d’information géographiques…), la sensibilisation et l’incitation aux restaurations, la mise en valeur de tous les attributs du bien, la gestion des risques en tous genres, la coopération internationale et, surtout, des outils de gouvernance partagée, mobilisant tous les acteurs, privés et publics.

Sans cette ambition incroyable, on peut bien entendu faire tout cela. Mais sans le souffle procuré par la renommée d’une inscription sur la Liste du patrimoine mondial de l’Unesco, il est bien difficile de parvenir à motiver toutes les parties prenantes sur le long terme et particulièrement dans un ensemble urbain aussi cosmopolite.

  1. Ndr : Le 27 juillet 2021, le comité du Patrimoine mondial de l’Unesco a inscrit “Nice, la ville de la villégiature d’hiver de Riviera” sur sa liste.
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