Le 28 juin 2007, réuni en assemblée en Nouvelle-Zélande, le comité du Patrimoine mondial a inscrit Bordeaux sur la liste du Patrimoine mondial de l’humanité, sous le vocable de « Bordeaux, port de la Lune ».
À travers son patrimoine médiéval, la cathédrale Saint-André, la basilique Saint-Michel, l’abbatiale Saint-Seurin, situées sur les chemins de Saint-Jacques de Compostelle en France inscrits en 1998 sur la liste du patrimoine mondial de l’humanité, Bordeaux entre au patrimoine mondial. Elle découvre les charmes et la renommée du label Unesco. Avec ses trois cent soixante-dix monuments historiques, ses cent cinquante hectares de secteur sauvegardé, une remarquable diversité de patrimoine architectural, antique, médiéval, classique, moderne et contemporain, Bordeaux prend alors conscience de sa capacité à répondre aux critères du Patrimoine mondial.
Coup d’éclairage sur le port de la Lune
Dès 2002, la ville est portée sur la liste indicatrice, antichambre d’une candidature, et pendant quatre ans élabore son dossier. Elle élit la catégorie de bien culturel : Bordeaux est une « cité historique vivante ». Pour prouver sa « valeur universelle exceptionnelle », montrer l’intégrité et l’authenticité de ce bien culturel, l’équipe inventorie le patrimoine architectural, le décrit, évalue son état, met en place des programmes de restauration mais aussi de mise en valeur. Les tracés d’urbanisme étant une caractéristique forte de Bordeaux, les espaces publics, quais, places, cours, rues et jardins… jouissent, grâce au tramway, d’investissements exceptionnels. Les réalisations architecturales sont restituées dans leur contexte culturel et socio-économique. Elles sont l’écriture qui subsiste d’une riche « oralité », ces multiples histoires attachées au site, ce méandre de la Garonne : le « port de la Lune ». Mais les critères de l’Unesco ne se contentent pas d’une « valeur universelle exceptionnelle » avérée, il faut également apporter les garanties de la pérennité du bien culturel. Pour atténuer les risques susceptibles d’affecter le bien, des mesures de conservation et un plan de gestion qui comprend dispositions d’urbanisme, financements, modes d’exploitation touristique respectueux des lieux et principes d’animation culturelle et sociale sont élaborés.
En juin 2007, Bordeaux est inscrit sur la liste du Patrimoine mondial suivant deux critères d’universalité :
• « témoigne d’un échange d’influences considérables »;
• « représente un ensemble urbain et architectural exceptionnel ».
Les journées du patrimoine 2007 et 2008 connaissent un succès formidable, les touristes affluent.
Coup de tonnerre sur la Garonne
Juillet 2008, un an après. le même comité du Patrimoine mondial prend une décision de mise sous surveillance du site, avec mission d’inspection et d’études et rapport de l’État partie (la France) sur un ensemble de mesures. La cause de ce coup de tonnerre, comme à Dresde, tient à des ponts. Dans les bassins du port, le pont mobile du Pertuis a été détruit ; le projet de franchissement de la Garonne, Bacalan-Bastide suit son cours ; enfin, un ancien pont ferroviaire, dit “passerelle Eiffel”, en sursis depuis la construction d’un franchissement du fleuve mieux adapté aux TGV constitue un sujet épineux. Ces questions sont difficiles et révèlent les talons d’Achille de la protection bordelaise :
• un secteur immense et complexe pour lequel il n’existe pas de système de protection homogène et dont l’inventaire n’est pas terminé ;
• une conscience de sa réalité et de son contenu patrimonial insuffisamment partagée, notamment en ce qui concerne le XXe siècle et le patrimoine industriel ;
• des projets lourds initiés avant la protection et qui n’ont pas été conçus dans l’optique de l’Unesco.
À travers cette crise, la ville risque soit de perdre l’inscription, son prestige et son dynamisme, soit de freiner considérablement les investissements d’infrastructures et d’architecture contemporaine. Il faut donc rétablir une confiance réciproque entre l’Unesco, la France et ses différents sites inscrits. La municipalité entend sortir de la crise par le haut, en travaillant d’arrache-pied à la formation des cadres locaux, en partageant les connaissances, les objectifs et les savoir-faire de conservation et d’aménagement. Elle se dotera des meilleurs architectes et ingénieurs pour créer des bâtiments irréprochables et des infrastructures incontestables dans leur pertinence et leur harmonie avec l’esprit du lieu.
François Gondran
ABF, Chef du SDAP de Gironde